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donnaient accès, depuis la préfecture de Rome, la plus élevée de toutes, jusqu’au vigintivirat, qui en constituait le dernier échelon, — la seconde comprenant tous les emplois de finances, et possédant aussi ses degrés invariablement observés, depuis la charge de préfet du prétoire jusqu’à celle de procurateur du domaine privé de l’empereur. On tomberait dans une étrange erreur, si l’on se persuadait que ces confidens célèbres, complaisans ou complices des débauches et des crimes des empereurs, ces affranchis si connus, les Pallas, les Narcisse, les Callixte, pouvaient concevoir l’ambitieux dessein de parvenir à la carrière des honneurs, c’est-à-dire aux magistratures sénatoriales. Il n’y a pas un seul exemple d’un de ces hommes qui soit arrivé même aux degrés inférieurs de cette carrière, qui ait été questeur. Ils avaient autorité sans doute sur l’esprit du maître, comme ont pu l’avoir en tout temps les familiers et les femmes ; mais, si leur influence était considérable, si les effets s’en faisaient sentir souvent au loin, si notre Corneille a pu dire avec vérité, en faisant parler un de ces affranchis :

Nous gouvernons le monde au sortir de nos fers,


il faut bien savoir qu’ils ne s’élevaient jamais au-dessus de la condition de domestiques, et que, s’ils faisaient agir l’empereur, ils n’agissaient jamais publiquement eux-mêmes en vertu d’une magistrature ou d’une fonction légale.

Ainsi l’influence occulte des domestiques n’usurpait jamais l’autorité qui s’attache au rang ; bien plus, l’incontestable importance qu’avait à Rome et que pouvait prendre dans les destinées de l’empire la plus haute des fonctions équestres, celle de préfet du prétoire, était loin d’obtenir la considération réservée à la moindre des magistratures sénatoriales. On sait de quel pouvoir redoutable ils étaient armés comme chefs de la seule force militaire imposante qui fût en Italie ; aussi que de fois ne les a-t-on pas vus en abuser, respecter ou abréger la vie des césars au gré de leur vengeance et de leur cupidité, jamais de leur ambition personnelle, car si le crime profitait à leur fortune, il ne pouvait servir utilement leurs convoitises politiques. Ils savaient bien que le sénat et les provinces, que les armées surtout n’eussent pas ratifié leur usurpation, et que pendant les deux premiers siècles de l’empire surtout personne n’eût voulu reconnaître un souverain issu de la carrière équestre : le premier ou plutôt le seul de ces parvenus du meurtre fut Macrin, en 217, et l’on sait combien cette insolente tentative lui réussit mal, tant il est vrai que l’immense pouvoir matériel qu’il tirait de sa position ne lui ôtait jamais ce caractère d’infériorité qui séparait comme par une infranchissable barrière les emplois de chevaliers des magistratures et des fonctions sénatoriales. Quoi qu’ils pussent