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latins gravés en creux au poinçon. Ils rassemblèrent ces débris et les vendirent au poids au marché de Borgo-San-Donnino, la petite ville la plus proche de Macinesso, et qui coupe la distance qui sépare Plaisance de Parme en suivant la voie Emilienne. Le bruit de la découverte vint aux oreilles de deux chanoines de Plaisance, fort curieux d’antiquités. Ils se mirent en quête, devinrent acquéreurs de ces fragmens et reconstituèrent la table de bronze dans son entier pendant le courant de l’année 1748. Ils s’appliquèrent ensuite, eux et bien d’autres antiquaires, à étudier l’inscription, et des explications en furent même tentées par les plus savans hommes de cette époque, Maffei, Muratori en Italie, Terrasson en France, Conrad Stigliz en Suisse ; mais on n’y put rien comprendre, sinon qu’il s’agissait d’une institution de Trajan, dont la munificence était célébrée en tête de cet acte officiel, et qu’un grand nombre de fonds de terre appartenant à cinquante-deux propriétaires s’y trouvaient nommés, qu’il y était parlé de secours alimentaires donnés à deux cent quarante-six garçons et à trente-cinq jeunes filles pauvres, enfin que ces fonds de terre étaient répartis dans un certain nombre de pagi ou cantons dépendant des trois grandes cités de Plaisance, de Parme et de Véléia, et dans quelques domaines appartenant Scelles de Lucques, de Libarna et de Gênes. Comme on n’avait jamais pu déterminer la position antique de Véléia, souvent mentionnée dans les textes classiques, l’infant d’Espagne don Philippe, qui était alors duc de Parme, eut l’idée, vers 1760, de faire exécuter des fouilles à l’endroit même où le monument de bronze avait été trouvé. On découvrit alors le forum, les temples et d’autres édifices : le centre d’une ville antique, ainsi qu’un grand nombre de statues, de peintures et d’objets de prix, dont la réunion forme aujourd’hui la principale richesse du musée des antiques de Parme au palais Farnèse. Aucun de ces objets, d’une conservation exceptionnelle, n’était postérieur au règne de Probus, et l’inspection de la pente septentrionale de l’Apennin, sur les flancs duquel cette Pompéi du nord avait été construite, fit bientôt comprendre qu’une partie de la montagne qui surplombe les ruines avait dû s’en détacher anciennement et couvrir, à la suite d’un effroyable cataclysme, la ville de Véléia d’un sombre linceul, de la même manière que le Rossberg ensevelit en 1806 le village de Goldau en Suisse ; cet événement avait eu lieu sans doute entre les années 276 et 280, et il n’avait pas eu d’historien, sauf peut-être le chevrier de la montagne qui avait donné à ce fatal sommet le nom de Mont de la ruine, nom qu’il porte encore aujourd’hui (Rovinazzo).

Cependant la table de bronze, désormais appelée table alimentaire de Véléia, acquise par l’infant, fut placée dans le musée