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essentiels qui le composaient, il aura donc fallu les emprunter, en grande partie du moins, à une autre source. Nous examinerons d’abord les documens provenant de cette double origine, textes classiques et textes épigraphiques ; puis nous chercherons à montrer le parti qu’on peut tirer des uns et des autres soit en les prenant isolément, soit en combinant les informations qu’ils nous donnent.


II

Si Trajan n’a pas d’historien, il ne serait pas juste de dire cependant que les écrivains classiques nous fassent complètement défaut pour la période de dix-neuf ans que ce règne embrasse. Dion Cassius nous manque, puisque ce même règne se trouve compris dans l’immense lacune que le temps a faite à son récit, et qu’il ne nous reste que dix-neuf des quatre-vingts livres qu’il avait composés ; mais nous possédons du moins pour suppléer à ce long silence l’abrégé qu’avait fait de son Histoire Jean Xiphilin au IXe siècle. Si sommaire que soit cet abréviateur, qui vivait plus de sept cents ans après l’auteur original, il devient précieux par suite de la pénurie où nous ont laissés les témoignages contemporains. Il est à peine besoin de citer le résumé beaucoup plus bref encore d’Eutrope, qui a fait tenir l’histoire romaine en quelques pages et celle de Trajan en une. Quant à celui d’Aurélius Victor, qui vivait, comme Eutrope, au IVe siècle, il se compose de deux chapitres non moins courts et qui se répètent. Tel est l’inventaire complet des historiens proprement dits ; heureusement Pline nous reste, Pline, mêlé toute sa vie aux événemens de son temps, qui a exercé les magistratures et les plus hautes fonctions de l’empire, qui a eu part au gouvernement des provinces, et dont nous possédons toute la correspondance officielle avec Trajan, y compris les réponses de l’empereur. Il est vrai qu’il ne s’agit dans le dixième livre de ses lettres que de l’administration du Pont et de la Bithynie, dont il était gouverneur avec le titre de légat impérial propréteur ; mais l’on peut étendre à toutes les provinces de l’empire une partie des faits concernant la condition de celle-ci. En dehors de ce dixième livre, l’aimable écrivain ne nous fournit. que bien peu d’informations historiques. Son Panégyrique de Trajan est loin d’avoir à ce point de vue l’importance que les littérateurs ont coutume de lui attribuer, d’abord parce que c’est une apologie, et qui pis est une apologie officielle, et ensuite parce qu’il a été prononcé au début même du règne, au mois de septembre de l’an 100. En admettant donc comme vrais les faits qu’il relate, et ils doivent être assez exacts malgré les ornemens oratoires qui en altèrent le caractère historique, ces faits ne se rapportent qu’aux deux