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pourrait appeler leur testament politique, on peut se demander où sont les vrais conservateurs.

Nous avons peine à croire que le scrutin de liste soit plus du goût des conservateurs républicains que le scrutin par arrondissement. Seulement ils subissent en ce moment les conséquences de la fausse situation que leur ont faite les conservateurs monarchistes. Devant la coalition de droite qui a renversé M. Thiers et que les chefs du centre droit et surtout de la droite se sont jusqu’ici efforcés de maintenir, devait fatalement se former et se resserrer la coalition de gauche dans les luttes électorales comme dans les débats parlementaires ; mais certainement leur instinct les porte vers le système qui donne le plus de garanties au maintien de la république conservatrice. Si MM. Thiers et Dufaure fussent restés au pouvoir, il n’est pas douteux que le centre gauche tout entier et une notable partie de la gauche n’eussent voté toute la loi, y compris le vote par arrondissement. Nous avions confiance en leur libéralisme conservateur, et, comme le pays alors ne semblait pas vouloir autre chose qu’une république gouvernée par leur sagesse, nous n’avions point à craindre l’ambition d’un parti que l’on devait croire à jamais enterré sous les décombres de la catastrophe de 1870. Depuis que la révolution parlementaire du 24 mai en a fait un allié du gouvernement, il s’est senti relevé en quelque façon par cette heureuse fortune, et il a chanté victoire non pour le parti conservateur dont il ne se soucie guère, mais pour l’empire, dont il croit la restauration prochaine. Nous espérons que ce chant prématuré aura dans l’assemblée et dans le pays l’écho qu’il doit avoir, et qu’il va réveiller enfin les généreuses colères de Bordeaux. Si tous les partis qui n’ont pas désarmé devant un despotisme de vingt ans, si tous les honnêtes conservateurs qui ont vu ce que ce gouvernement tant de fois acclamé a fait de notre pays sont décidés à s’entendre pour conjurer ce dernier malheur, nous ne craignons plus les chances du vote par arrondissement pour les candidatures bonapartistes.

La raison qui fait le plus hésiter en ce moment le parti républicain, c’est la crainte de donner de la force à un parti qui a tant d’audace. Les élections récentes pour les conseils-généraux nous semblent de nature à le rassurer, comme aussi à encourager les conservateurs monarchistes qui peuvent se résigner à la république. Selon leur tactique habituelle, les partisans de l’empire comptent plus de victoires qu’ils n’en ont réellement remporté dans ces élections. Ils disposent à leur gré de bien des élus, conservateurs avant tout, qui avaient accepté l’empire, comme tels, et qui ne sont nullement pressés de le refaire, ni même de le servir après les désastres dont il est et dont il restera l’auteur responsable devant l’histoire. Il en sera de même dans les futures élections politiques