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pas plus tôt amené la réconciliation entre les deux branches de la maison de Bourbon que les ardens et les impatiens, croyant l’union faite entre les partis comme entre les princes, se mirent à l’œuvre, et, avec une ardeur qui ne comptait point les obstacles, poursuivirent la campagne que fit définitivement échouer la déclaration du comte de Chambord. C’était à la vérité une occasion unique, puisqu’à défaut de l’assentiment du pays on avait ou du moins on pouvait espérer une majorité dans l’assemblée qui en était la représentation légale, sinon réelle, en cette circonstance. Le centre droit et même une majeure partie de la droite voulaient la monarchie avec les conditions qui seules pouvaient en rendre la restauration possible aujourd’hui, c’est-à-dire avec le drapeau de la France et avec une constitution votée par ses représentans, d’accord avec le monarque. Le comte de Chambord et ses amis de l’extrême droite voulaient la monarchie sans conditions, par la raison très simple, très logique et très peu politique qu’il était le roi, c’est-à-dire roi, non par la volonté nationale, mais en vertu de son droit antérieur et supérieur à toute autorité populaire et parlementaire. C’était donc au fond une question de principe, non de pure étiquette, qui divisait le parti royaliste, et M. Thiers avait eu bien raison de dire que, même en ne comptant pas un certain parti dont les prétentions sont un outrage à l’honneur de notre France, les partisans de la monarchie ne pouvaient s’entendre pour la rétablir avec ou sans le consentement du pays. Le projet de restauration ne parut un moment sur le point d’aboutir que parce qu’on ne s’était expliqué de part et d’autre ni à Frohsdorf, ni à Versailles. Si le centre droit eût eu l’initiative des négociations, il est probable que l’on eût vu clairement dès le premier jour l’impossibilité de s’entendre. Si respectueux, si habile qu’eût été le langage de ses ambassadeurs, le comte de Chambord n’eût point accepté ce savant et ingénieux éclectisme qui croyait avoir trouvé le moyen de concilier dans une heureuse formule le droit royal et le droit national.

Après cet avortement d’une entreprise si bruyamment annoncée et si résolument conduite, il semblait que la majorité, n’ayant pu faire la monarchie, faute d’un roi avec lequel elle pût s’entendre, et pourtant voulant user de son pouvoir constituant, n’avait qu’à se résigner à la république déjà faite, sauf à garantir par de solides institutions, contre les entraînemens d’une démocratie aveugle et passionnée, les droits et les intérêts qui lui sont particulièrement chers. C’était l’espoir, un peu naïf peut-être, de cette fraction nombreuse de la minorité qui a inscrit depuis longtemps en tête de son programme le mot de république conservatrice, l’empruntant à tous les messages et à tous les discours de l’ancien président. La