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leurs intérêts. Quand il fallut couvrir le déficit du budget, faire une armée qui fût toute la nation et puiser à toutes les sources de la fortune publique pour rétablir l’équilibre dans nos finances, on dut compter avec tous les calculs et toutes les répugnances de l’égoïsme.


I

Devant le spectacle que donne à la France la lutte des partis depuis près de trois années, on peut regretter ces jours de paix qui n’ont guère été troublés que par quelques voix discordantes des partis extrêmes. Mais la trêve de Bordeaux était la nécessité d’une situation provisoire, d’une sorte de crise de salut public qui devait finir après la paix, l’extinction de la guerre civile et la libération du territoire. Le gouvernement de M. Thiers le sentit, et dans un célèbre message qu’on a pu juger prématuré, eu égard à la situation parlementaire, bien qu’il répondît au vœu du pays, il proposa à l’assemblée, non de proclamer la république, mais de la prendre toute faite des mains de la nécessité, puisque la monarchie semblait impossible, et d’en organiser le gouvernement. L’assemblée comprenait alors, comme le président, que le moment était venu de sortir du provisoire ; ce en quoi peut-être il s’était trompé, c’est qu’elle n’était point décidée à en sortir par la constitution d’un gouvernement républicain. Elle refusa donc d’entrer dans la voie où le président la conviait de marcher, et où le pays semblait l’appeler par de très nombreuses élections partielles. Après une longue guerre, tantôt sourde, tantôt déclarée, enfin acharnée, la majorité, profitant de l’élection de candidats radicaux à Marseille, à Lyon et surtout à Paris, fit tomber M. Thiers sous un vote de défiance. Que pour tous ceux qui ont assisté à cette regrettable chute, qui ont vu de près les phases diverses de la lutte, il y ait eu autre chose en jeu que la grande question de la république et de la monarchie, — que les défiances de la majorité à l’égard d’un gouvernement qui avait fait ses preuves pourtant de force et de courage dans l’horrible guerre de la commune, que la peur du radicalisme triomphant et le dépit en quelque sorte jaloux causé par les prétendues préférences pour le parti républicain d’un gouvernement conciliant pour les personnes, mais aussi net, aussi décidé sur le fond des choses, aussi résistant aux idées radicales que les plus fermes conservateurs, aient contribué à la chute de l’homme qu’on fut si heureux de retrouver aux jours de détresse et de danger, il serait impossible de le nier ; disons-le pourtant à l’honneur de l’assemblée, comme du chef illustre qui présidait à nos destinées, c’est sur la capitale question politique qui agite le parlement et le pays depuis deux ans