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avec les solennités séculaires de l’étiquette ; le représentant de la Cité de Londres, qui est, lui, un personnage municipal d’importance, donnait le dîner d’usage. Le duc de Cambridge était présent, et à côté de lui figuraient les ministres de la reine, les ministres étrangers à Londres. Jusque-là c’est le dîner traditionnel. Deux choses cependant rehaussent particulièrement et doivent rehausser aux yeux de la France cette fête du lord-maire. La première, c’est l’attention toute spéciale dont a été entouré notre ambassadeur, M. le comte de Jarnac. Il y a trente ans déjà, M. le comte de Jarnac assistait à la même fête comme secrétaire de l’ambassade de France à Londres, comme un des représentans intelligens et dévoués de la pacifique et prévoyante politique d’un roi sage. Il a pu rappeler ce temps, déjà lointain, où la France et l’Angleterre étaient en paix comme aujourd’hui, mais où notre pays n’avait pas été conduit à d’effroyables catastrophes par une politique moins prudente. Notre ambassadeur a eu l’avantage de pouvoir s’exprimer dans la plus pure langue anglaise en répondant au toast qui lui a été porté, en témoignant son attachement pour les hommes publics de l’Angleterre dont il était l’ami avant d’avoir à traiter avec eux les affaires des deux pays, en saluant d’un hommage intelligent et libéral les puissantes institutions britanniques. M. le comte de Jarnac n’a rencontré qu’une chaleureuse cordialité et des applaudissemens répétés. dans cet auditoire qui semblait mettre un empressement exceptionnel dans son accueil et dans la manifestation de ses sympathies. En s’adressant aux ministres étrangers, le lord-maire a tenu à faire intervenir particulièrement le nom de l’ambassadeur de France, et le lord-chancelier s’est joint au lord-maire en saisissant l’occasion de souhaiter une cordiale bienvenue à notre représentant. La France a été réellement de la fête de Guidhall, et c’est assurément le meilleur augure pour les relations des deux pays.

Le second fait caractéristique du banquet du lord-maire a été le discours du premier ministre de la reine Victoria, de M. Disraeli lui-même qui, en touchant ou en effleurant bien des sujets extérieurs et intérieurs, a su donner une forme aussi brillante que vigoureuse au témoignage des sympathies anglaises pour notre pays. Quelle est au juste la politique extérieure de l’Angleterre ? Sans nul doute, elle n’entend pas sortir de la neutralité ; mais du moins elle avoue ses amitiés et ses préférences. Elle ne craint pas d’exprimer, par la bouche de son premier ministre, son étonnement et son admiration pour l’élasticité, le nerf et le ressort grâce auxquels la France a su se tirer de difficultés qui semblaient inextricables après des désastres sans précédens. » Non assurément, l’Angleterre ne veut pas rompre la neutralité, le premier ministre de la reine en dit assez cependant pour laisser comprendre que, si la paix était menacée, la politique anglaise ne resterait pas inactive. Elle ne laisserait probablement pas s’accomplir des évè-