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Taïwan-fou est signalée de très loin aux navigateurs par un arbre magnifique, d’une hauteur remarquable, un tamarin, croyons-nous ; il s’élève majestueux et solitaire au milieu des ruines d’un fort qui a gardé son nom d’origine évidemment hollandaise, Zélandia.

Les navires d’un fort tonnage ne peuvent entrer dans le port intérieur de Taïwan-fou. Ce havre nommé Hanping est situé au pied d’une forteresse bien armée aujourd’hui de canons se chargeant par la culasse et de mitrailleuses. C’est de là que les petites jonques sortent pour venir charger et décharger les navires qui se trouvent au grand mouillage, en dehors de la barre, excessivement dangereuse à franchir ; on ne peut la passer qu’à l’aide de ces jonques, appelées ici catimorons. Dès que le vent du nord-est fraîchit un peu, il est impossible aux embarcations européennes de s’y exposer. La ville, c’est-à-dire la capitale de Formose, est située à 4 milles dans les terres. Bâtie au centre d’une plaine très basse, on y arrive en suivant un canal sur lequel se trouvent de longs radeaux en bambou. On peut du reste se rendre encore à pied à la ville en suivant la longue jetée qui sert de digue au canal ; mais avec un mauvais temps c’est une promenade détestable. Comme toutes les villes chinoises, Taïwan-fou n’est remarquable que par sa malpropreté, ses rues étroites et le nombre de ses boutiques ; elle n’est visitée que très rarement par les brises rafraîchissantes de la mer, et encore ne lui arrivent-elles qu’après avoir traversé une plaine désolée et sans culture. On y étouffe l’été, et les maladies y sont nombreuses.

En quittant ce triste mouillage, on rencontre, après quelques heures de navigation rapide, la baie de Takow, placée au pied du mont Ape. Les Anglais lui ont donné ce nom, qui signifie guenon, en raison d’un nombre considérable de grands singes qui ont choisi pour demeure cette montagne pleine d’aspérités rocheuses. Abritée par le mont contre les atteintes du vent du nord, la baie est aussi préservée du côté du large de la mousson du sud-ouest par la presqu’île Saracen ; le port ne peut abriter d’ailleurs que cinq ou six navires, encore faudrait-il qu’ils ne fussent pas d’un trop fort tonnage. La ville s’élève sur une bande de terre placée entre un grand lac et la mer. L’air y est doux, trop doux peut-être aux hommes robustes. Pour les poitrines affectées, pour celles à qui les bords de la Méditerranée conviendraient, rien de meilleur que la température dont on jouit à Takow. L’été, il y pleut à peine ; de juillet à septembre, lorsqu’à 3 ou 4 lieues dans l’intérieur le tonnerre et de fortes ondées tombent à peu près tous les soirs, on y jouit de la fraîcheur de la brise et de la sérénité d’un ciel sans nuages.

Le dernier mouillage à l’ouest, avant de doubler l’extrême pointe du cap sud, est celui de Cheshon ou Loong-kiao, comme on l’appelle