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jours avec la plus parfaite indifférence dans leurs quenelles avec les Hakkas, voisins turbulens et de mauvaise foi, d’une rapacité qui trahit surabondamment leur origine chinoise. Ces indigènes possèdent des forces physiques dont leurs voisins sont dépourvus. Vigoureux, bien formés, l’escalade des montagnes les plus escarpées est un jeu pour eux. Leurs compagnes sont gracieuses, et d’une pureté de formes à faire croire que l’on retrouve en relies la perfection dont la nature a dû doter les premières femmes. Il n’y a dans ces régions éloignées de toute civilisation ni médecins, ni médecines : aussi les enfans qui naissent grêles et chétifs s’étiolent et meurent ; ceux qui parviennent à l’âge mûr sont superbes et pleins de vie. Sans les guerres intestines qui les déciment, les centenaires seraient fort communs chez eux ; les Formosiens assez fortunés pour atteindre l’âge de soixante ans combattent et chassent encore comme à la plus belle époque de leur jeunesse.

On comprendra que dans le voisinage de ces tribus -guerrières tout le monde marche armé, depuis le laboureur à sa charrue jusqu’au petit berger qui garde son troupeau de buffles. Dès qu’un voyageur isolé inspire, aux sauvages quelque soupçon, ils l’attendent au coin d’un carrefour pour lui couper la tête ou le percer d’une flèche tirée à longue distance. Indépendamment de leurs flèches, les sauvages possèdent des épées ou plutôt des sabres aux longues et larges lames ; ils ont aussi de vieux fusils à mèche chinois, dont ils n’usent que dans les embuscades et jamais à découvert. Le climat est très salubre sur la côte, mais peu sain dans la plaine et sur les plateaux de la chaîne de montagnes qui coupe littéralement Formose en deux, du nord au midi. Le point le plus élevé de cette arête volcanique est le mont Morrison, situé au centre de Formose, et s’élevant à 3,600 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. L’île offre, au dire des rares naturalistes qui l’ont visitée, toutes les apparences d’une récente création. Quelques volcans y fument encore ; ce n’est qu’aux approches de la mer que la puzzolane s’est transformée en terre végétale d’un produit excellent et que disparaissent les roches d’éruption. Il y a des dunes nombreuses enveloppant le littoral d’une ceinture dorée, comme aux Maldives. Quand la marée est basse, elles se couvrent d’une multitude de petits crabes à couleur jonquille, dont beaucoup servent de nourriture aux singes, qui en paraissent très friands.

La faune, comme celle des îles du Japon et des Philippines, ne compte d’autres animaux dangereux pour l’homme que l’alligator et le crocodile. Certains cours d’eau en sont infestés au point qu’on ne peut y passer à dos de cheval ou dans des embarcations légères. Le buffle sauvage, appelé dans le pays carabao simaron, le cerf,