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indigènes de l’île Luçon a été de tout temps remarquée par les missionnaires espagnols, et le langage que l’on parle dans l’une et l’autre île offre une grande analogie.

Il y a deux ans, à ce qu’on assure, l’Italie aurait songé à jeter dans cette partie du monde les fondemens d’une colonie. L’Allemagne a fait plus il y a trois ans : elle a fait offrir 5 millions de dollars pour l’acquisition entière de l’île. La Chine n’avait pas besoin heureusement dans ce moment-là de 25 millions de francs, et l’offre a été rejetée. Les Allemands, maîtres de Taïwan, eussent été des voisins bien incommodes pour les Espagnols, les Anglais et pour nous-mêmes, en raison du voisinage des Philippines, de Hongkong et de notre colonie de Saïgon, où déjà nous avons l’ennui de les rencontrer trop souvent.

Il est tout à fait impossible de fournir un total, même approximatif, de la population de Formose, composée au nord de Chinois immigrans et de Pei-po-hwans, indigènes soumis, — dans les montagnes de Hakkas, descendans des conquérans asiatiques de l’île, et au sud de tribus sauvages et errantes. Ces clans méridionaux se sont beaucoup mélangés avec les Chinois. Plusieurs sauvages ont même adopté les coutumes chinoises au point de se raser la tête et de porter la longue queue en cheveux des Cantonais ; mais ils ont conservé la fâcheuse habitude de percer leurs oreilles, et d’y introduire soit un morceau de bois sculpté, soit un coquillage poli et aux couleurs vives. Rien de plus désagréable à la vue que ce laid ornement. Les hommes des tribus féroces des Boutans, des Couscous, des Kowarts, et quelques autres encore célèbres par leur cruauté, vont à peu près nus ; il n’en est pas de même chez les tribus qui, comme dans le voisinage de la baie de Loong-kiao, entretiennent des rapports fréquens avec les Chinois, les Hakkas et les Pei-po-hwans. Les indigènes y sont vêtus d’une jaquette longue brodée et serrée au corps ; la partie inférieure du vêtement se compose d’un morceau de drap également orné de broderies, faisant le tour des reins et descendant jusqu’à la moitié de la cuisse. La tenue des femmes est particulièrement modeste, combinée de façon à montrer avec avantage, les formes élancées et gracieuses de leur corps. La nature les ayant dotées de chevelures abondantes, on les voit chaque jour arranger leurs cheveux avec beaucoup de coquetterie, non pas, ainsi qu’on pourrait le supposer, à la chinoise, mais de manière à rappeler les plus élégans échafaudages des coiffures européennes. Malheureusement à Formose, comme dans la Malaisie et la Polynésie, tout le monde, sans exception, mâche le bétel.

Comme chez la plupart des sauvages, les sauvages asiatiques surtout, la vie a ici peu de prix. Les naturels l’exposent tous les