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contractant semble justifier le mot si souvent cité de Colomb, et devient « peu de chose. » Forbisher contourna le nord de l’Ecosse ; le 28 juillet, il avait atteint le 62e degré de latitude. En ce moment, il aperçut la terre et ne s’émut pas de la trouver entourée de glace. On ne s’était jamais flatté en se maintenant sous ces hautes latitudes d’arriver au Cathay par un chemin facile. La côte escarpée, rocailleuse, qu’on avait en vue, un marin portugais, Cortereal, l’avait découverte avant Forbisher. En l’année 1501, il la nommait « la terre de Labrador. » Forbisher remonta jusqu’au-delà du 63e degré, et finit par reconnaître un détroit, le détroit qui porte aujourd’hui son nom. Il y revient plein d’espoir l’année suivante ; en 1578, il y amène quinze voiles, mais c’est en vain qu’il s’enfonce de plus de 30 lieues dans les terres. Les glaces l’arrêtent encore, et, de nouveau déçu, il se résigne enfin à regagner le port. Ainsi reste une fois de plus en suspens la question que la science vient à peine, il y a quelques années, de résoudre.

Où l’Angleterre s’obstinait, la France aurait eu grand tort de s’abstenir. Pas plus qu’Henri VIII, François Ier n’entendait renoncer à sa part d’héritage dans la riche aubaine que la Providence envoyait à l’Europe. Il avait des marins, des navires, — Jean Ango sous son règne osa, dit-on, bloquer avec ses corsaires l’embouchure du Tage ; — il n’avait pas, semble-t-il, d’astronome, car il fit venir Giovanni Verazzani de Florence, comme Henri VII avait appelé Jean Cabot de Venise. Verazzani partit sur un navire de Dieppe. Du 34e degré de latitude, il se porta au nord jusqu’au 50e degré. Les cosmographes connaissaient déjà la Nouvelle-Espagne, il leur fallut donner place sur leurs cartes à une Nouvelle-France. Les Dieppois avaient reconnu en un seul voyage près de 700 lieues de côtes. En 1534, l’expédition française ne partait pas de Dieppe ; elle partait de Saint-Malo. Jacques Cartier la commandait. Passant entre l’île où Sébastien Cabot avait abordé en 1497 et la terre ferme, Cartier découvrit l’embouchure du Saint-Laurent ; en 1535, il remontait ce fleuve jusqu’à la ville indienne de Hochelaga. En 1542, le Nouveau-Monde comptait deux vice-rois. Le vice-roi français se nommait Jean-François de La Roche, comte de Roberval, gouverneur de Saguenay et Hochelaga. Avançons rapidement et laissons de côté tout ce qui n’intéresse pas directement l’histoire de la navigation. Transportons-nous d’un bond de l’année 1555, où Villegagnon entreprend d’implanter une colonie française dans la baie de Rio-Janeiro, à l’année 1562, où Jean Ribault découvre l’Acadie. Deux ans plus tard, en 1564, Laudonière s’aventure à construire un fort sur les côtes de la Floride. Les Espagnols n’attendirent pas les ordres de leur cour pour réprimer l’audacieuse atteinte portée à leur privilège ; ils détruisirent l’établissement français. Gourgues en 1567