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s’arriérer d’une heure au fur et à mesure que leur longitude s’accroissait de 15 degrés, ils avaient fini par se trouver arriérés d’un jour.

En 1526 et en 1527, les Espagnols retournèrent à Tidore ; ils y retournèrent même par deux voies différentes. Don Garcia Jofre de Loaysa, ayant sous ses ordres Sébastien del Cano, partit de la Corogne[1] ; Alvaro de Saavedra équipa ses navires sur les bords de l’Océan-Pacifique. Au même moment, dom Jorge de Meneses arrivait de Malacca pour gouverner les Moluques au nom du Portugal. Les hostilités ne pouvaient tarder à s’ouvrir. Les Portugais exerçaient une suprématie absolue à Ternate ; les Espagnols appuyèrent les prétentions du sultan de Tidore. En 1529, l’empereur Charles-Quint vida le différend ; il céda au Portugal ses droits sur les Moluques pour la somme de 350,000 ducats. Cette cession impliquait-elle un renoncement absolu à tout établissement sur les autres groupes de la zone qu’une astronomie incertaine laissait en litige ? Le vice-roi du Mexique ne le pensa pas. En 1542, Ruy Lopez de Villalobos conduisait par ses ordres une expédition espagnole aux Philippines ; en 1565, Miguel Lopez de Legaspi accomplissait la conquête de Luçon.

Il était facile de se rendre des côtes occidentales de la Nouvelle-Espagne aux grands archipels de l’Asie ; il n’y avait pas encore de route connue pour en revenir. Pendant que la Vittoria avec Sébastien del Cano prenait le chemin du cap de Bonne-Espérance, la Trinidad, laissée en arrière, essayait de remonter de l’ouest à l’est l’Océan-Pacifique. Il lui fallut, après avoir maintes fois côtoyé le naufrage, revenir découragée sur ses pas et rentrer dans le cercle où l’attendaient les navires portugais. Alvaro de Saavedra n’eut pas en 1527 un meilleur succès. Il se vit à son tour rejeté par les vents et par les courans contraires vers les Moluques. Ce fut un moine, le célèbre Fray Andrès de Urdaneta, qui eut la gloire d’enseigner à ses compatriotes la route qui devait, pendant près de deux siècles, ramener les galions de Manille au Mexique. Urdaneta avait fait partie de la seconde expédition de Sébastien del Cano ; il accompagnait Legaspi en qualité d’astronome et de cosmographe. L’impossibilité de lutter contre les vents alizés était constatée ; elle l’était du moins pour des galions et pour des caravelles. Urdaneta alla chercher des vents favorables jusqu’au 40e degré de latitude nord. Parti de Zebù le 1er juin, il arrivait à Acapulco le 3 octobre. Plusieurs voyages entrepris par le détroit de Magellan avaient eu, depuis l’année 1520, une fâcheuse issue. Les communications entre l’Espagne et ses colonies asiatiques prirent définitivement un autre

  1. Don Garcia et Sébastien del Cano succombèrent pendant le voyage ; ce fut Alonzo de Salazar qui conduisit l’escadre de la Mer du Sud à Tidore.