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que Gama et Albuquerque ont retrouvé, mais que connaissaient déjà les anciens, et qu’exploitaient depuis plus de cinq cents ans les Arabes. Il franchit le détroit qui sépare la péninsule malaise de l’île de Sumatra, côtoie en passant le royaume de Cambodge, se rend à Chiampa, à Patane ; dans un second voyage, il atteint Canton. Marco Polo, Mandeville, Nicolo di Conti, avaient visité les états du grand-khan ; lui, Perez d’Andrade, il réalise le rêve de Colomb. Il arrive au Cathay par mer. Presqu’à la même époque, dom Rodrigo de Lima retrouve en Abyssinie le prêtre Jean, ce souverain chrétien qui avait partagé si longtemps avec le grand-khan la sollicitude de l’Europe. En 1524, le gouverneur de Malacca envoie le capitaine Antonio de Brito aux Moluques. On touche enfin à la terre des épices ! En moins de trente ans, les Portugais sont arrivés au terme de leur domaine, ils ont parcouru les 180 degrés qui leur avaient été alloués.

Les années qui suivirent furent employées par les successeurs d’Albuquerque à consolider leur puissance sur les côtes, à pénétrer de toutes parts plus avant dans les terres. Aux Moluques, à Ceylan, ils ont définitivement pris pied. Sur la côte d’Afrique, leur empire s’étend de Sofala au port de Mélinde ; l’île de Mozambique en est devenue le centre. Francisco Barreto y ajoute en 1556 le royaume de Monomotapa. Chassés des rives du Che-kiang, les Portugais s’établissent au pied du rocher de Macao. Nous voici parvenus au terme d’un grand règne ; Jean III va rejoindre dans la tombe en 1557 Emmanuel, qui avait ébauché la conquête de l’Inde, Jean il le seigneur de Guinée, Alphonse V l’Africain, Edouard le protecteur des lettres, Jean le Grand le fondateur de la dynastie, et cet admirable prince Henrique, ce noble président de l’académie de Sagres, sans lequel peut-être tout l’épanouissement du vieux monde n’aurait jamais eu lieu.

Durant cette période si glorieuse pour les sujets du roi Jean, que faisaient les sujets de l’empereur Charles-Quint ? — les Espagnols ? Ils conquéraient le Mexique, le Pérou, le Chili, et, qui plus est, ils arrivaient aussi de leur côté aux Moluques. Des calculs inexacts avaient donné à penser que ces îles n’étaient pas en dehors des limites de la concession faite par Alexandre VI à l’Espagne. On ne parvenait pas à trouver de détroit qui permît de traverser par mer le nouveau continent ; on songea naturellement à le tourner par le sud, comme les Portugais avaient tourné l’Afrique. Un ancien compagnon d’Albuquerque, Fernando Magalhaens, s’offrit à Charles-Quint, alors âgé de dix-neuf ans et à l’aurore même de son règne, pour tenter cette périlleuse entreprise. Charles-Quint accueillit avec distinction le transfuge. Le 20 septembre 1519, cinq navires