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de l’entêtement des Belges. Van de Weyer insistait vivement auprès du roi, contrairement à l’opinion des ministres, sur la nécessité de donner satisfaction à la conférence, d’ôter à la Hollande le bénéfice d’une apparente modération. Il finit par voir ses vues adoptées quand le ministère Muelenaere fut remplacé par le ministère Goblet ; mais, lorsque le plénipotentiaire belge se présenta à la conférence avec ses nouvelles instructions, le plénipotentiaire hollandais, surpris, mis au pied du mur, fut obligé de confesser qu’il n’avait aucune espèce de pouvoir pour négocier.

La colère de la conférence se retourna contre la Hollande, et, avec l’assentiment tacite des cours du nord, la France et l’Angleterre conclurent le traité du 22 octobre 1832 pour imposer par les armes l’évacuation du territoire belge. Le siège de la citadelle d’Anvers fut résolu. On ne relit pas aujourd’hui sans quelque tristesse les lettres et les dépêches qui témoignent des méfiances qui accueillirent le maréchal Gérard. Le général Goblet écrivait à van de Weyer le 19 novembre 1832 : « J’ai ici beaucoup de mal avec les Français ; ils veulent entrer dans Anvers, et aucun motif ne le réclame. » Le roi Léopold écrivait de son côté : « Le gouvernement anglais ne peut pas voir d’un bon œil qu’on occupe Anvers quand cela n’est pas nécessaire… Dites beaucoup de belles choses de ma part au prince de Talleyrand. Vous pouvez lui dire que je suis très calme, mais déterminé à me défendre à outrance contre quiconque m’attaquera. » L’espérance d’épargner la ville d’Anvers, de la neutraliser en quelque sorte, était chimérique, et les Français ne voulaient en occuper une partie que pour mener plus vivement le siège. Lord Palmerston, en cette circonstance, usa de son influence pour déterminer le cabinet belge à ne point chicaner le maréchal Gérard. Van de Weyer répondait au roi : « Lord Palmerston pense que tout obstacle, toute difficulté de nature à retarder la reddition de la citadelle serait un très grand mal. » Lord Palmerston écrivit lui-même au roi de faire tout ce qui amènerait un prompt résultat ; pour ménager l’amour-propre de l’armée belge, le maréchal Gérard consentit à ce qu’elle restât dans la ville ; il n’occupa que les points que le génie avait indiqués comme indispensables à l’attaque de la citadelle. Le 23 décembre, après là plus énergique défense, le général Chassé était réduit à capituler.

Cet événement ne mit point fin au système de persévérance, de lenteurs calculées adopté par le roi Guillaume. Il espérait toujours user la Belgique, profiter des imprudences des chambres belges, susciter des difficultés entre le nouveau royaume et les puissances signataires du traité du 15 novembre. Il maintenait un état qui n’était ni la guerre ni la paix, fermait les bouches de l’Escaut, tenait toujours deux petits forts d’Anvers, Lillo et Liefkenshoek. Les