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dot apportée par le prince à la Belgique. Cette dot, comme il arrive dans la plupart des mariages, parut d’abord insuffisante au congrès ; mais le roi n’accepta la couronne qu’après s’être assuré de l’adhésion des puissances aux dix-huit articles.

La conférence faisait en réalité un grand sacrifice au prince Léopold : elle avait au début de ses travaux menacé d’enlever tout le Luxembourg à la Belgique ; le traité des dix-huit articles donnait aux Belges non pas l’assurance, mais l’espérance de conserver ce duché tout entier, la question du Luxembourg devant faire l’objet d’une négociation séparée avec le roi de Hollande et la confédération germanique. Les préliminaires de paix leur assuraient aussi une partie du Limbourg et laissaient indécise la question de la souveraineté dans la ville de Maëstricht, que des échanges d’enclaves devaient servir à trancher dans un arrangement direct.

Van de Weyer se prononça pour l’acceptation des préliminaires de paix, et les défendit dans un petit pamphlet : Jean le Brabançon au bon peuple de Belgique. Le congrès les vota le 9 juillet, et le 21 juillet Léopold Ier entrait en roi à Bruxelles.


III

Une vie nouvelle allait commencer pour van de Weyer. Il avait traversé l’ère des épreuves, des dangers, des luttes presque désespérées, l’ère héroïque de sa vie, et le mot n’est peut-être pas trop ambitieux, si l’on songe qu’à certains momens il avait joué plus que le repos, la fortune et la liberté, la vie elle-même. Le sort avait accumulé dans quelques mois de sa jeunesse les agitations d’une vie entière ; il lui devait de bonne heure ce qu’il n’accorde d’ordinaire qu’à ceux qu’il a longtemps éprouvés ; il ne lui donna pas toutefois du premier coup cette dignité dans le repos, otium cum dignitate, qui convient surtout à la vieillesse ; quand, trois jours après être monté sur le trône, Léopold Ier nomma van de Weyer son représentant à la cour de Saint-James, le jeune ministre plénipotentiaire savait que la conférence lui laisserait peu de loisirs ; il arrivait cette fois, non plus pour chercher un roi, mais pour parler en son nom, pour revendiquer les droits d’un peuple, pour le représenter.

Les premiers temps furent difficiles : des hommes tels que Talleyrand, que Palmerston, n’avaient pas eu de peine à reconnaître les rares qualités de van de Weyer ; le monde frivole se contente des surfaces, et mesure un peu l’homme aux dimensions du pays. Lady Holland était alors aussi recherchée que redoutée pour son esprit : tout homme nouveau devait subir l’épreuve de son ironie ; elle faisait ou défaisait les réputations. Elle aborda un jour van de