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mission. « Van de Weyer et moi partîmes dans la nuit du 16 au 17 décembre. Nous arrivâmes à Paris pendant le procès des ministres de Charles X… Le ministère était inquiet ; Sébastiani, sans cesse harcelé par les représentans des puissances, était plus inquiet, plus agité que ses collègues. C’est dans ce moment si troublé qu’il nous donna une première audience. Il était très préoccupé et ne paraissait nullement disposé à aborder l’objet de notre mission. A une seconde entrevue, nous trouvâmes M. Sébastiani plus calme, le procès des ministres était terminé ; on avait sauvé leur tête de la fureur du peuple. L’accueil fut assez froid, la conversation languissante. M. Sébastiani était évidemment décidé à éviter toute explication sérieuse. M. van de Weyer aborda courtoisement le sujet de notre mission, qu’il développa d’une manière à la fois candide et convaincue, comme si elle ne pouvait soulever aucune objection importante. M. Sébastiani l’écouta avec une attention à la fois sérieuse et bienveillante, puis il répondit : « Je suis très partisan de l’alliance de la France avec l’Angleterre, Je suis loin de repousser la triple alliance avec la Belgique ; mais la chose est prématurée et ne pourra se faire que lorsque le provisoire sera remplacé par un gouvernement sur la stabilité duquel on puisse compter… Quant à l’alliance de famille entre l’Angleterre et la France pour donner une dynastie à la Belgique, la question est plus délicate ; elle se complique de l’intervention du père de famille et aussi des sympathies et des répugnances d’une mère qui est bien peu disposée à sacrifier ses enfans à la politique. Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour mûrir et résoudre les très graves questions que soulève votre mission[1]. » Sébastiani en continuant alla jusqu’à parler d’un fils du prince d’Orange, feignant d’oublier le décret de déchéance porté contre la maison de Nassau.

Gendebien, passionnément attaché à la France et dégoûté des froideurs de Sébastiani, écrivit au gouvernement provisoire qu’il fallait faire voter par le congrès la réunion à la France et forcer la main au roi. Van de Weyer n’allait point à de telles extrémités ; il revit seul le ministre des affaires étrangères, il le tâta vainement et partit en emportant la conviction que Londres était le nœud des difficultés qui restaient à vaincre. Le roi désirait sincèrement voir la Belgique libre et neutre ; mais, parmi ses ministres et ses ambassadeurs, il y avait des hommes qui n’étaient point trop pressés de mettre fin aux angoisses de la Belgique, espérant que les événemens pourraient tourner au profit de la France. Sébastiani en 1829 avait eu l’imprudence de dire à lord Palmerston, chez M. le comte de Flahaut, que la France devait pousser sa frontière jusqu’au Rhin.

  1. Révélations historiques sur la révolution belge de 1830.