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son ancienne existence et à jouir de nouveau de sa forme républicaine de gouvernement ; mais cette position ne convenait point aux puissances européennes, et elles aimèrent mieux joindre à la Hollande les provinces belgiques. » L’aveu est précieux : il faut bien se souvenir en effet que la Hollande, comme la Belgique, était entre les mains des vainqueurs de Napoléon. Les droits de la conquête et de la force ne s’affichaient pas alors avec une naïve brutalité, ils n’étaient pas moins irrésistibles. Les puissances alliées venaient de délivrer les peuples, mais elles ne leur apportaient pas la république. La monarchie constitutionnelle s’imposait à la Hollande, la dynastie d’Orange-Nassau s’imposait à l’Europe. L’embarras ne commençait que pour les provinces belges. Les rendrait-on à l’Autriche ? les Belges se souvenaient encore de la douceur du gouvernement autrichien sous Marie-Thérèse, mais l’Autriche songeait alors à concentrer tout l’effort de son ambition en Italie. Les céderait-on à la Prusse ? M. Pitt y avait sérieusement pensé. La Prusse était surtout préoccupée de garder les provinces saxonnes. Quand Guillaume Ier ouvrit, le 2 mai 1814, la première assemblée des états-généraux des Provinces-Unies, il ne fit aucune allusion au futur royaume des Pays-Bas. Le roi partit peu après pour Paris, et le 30 mai l’article 6 du traité de Paris statua que « la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d’Orange, recevrait un accroissement de territoire. » Le mois suivant, les alliés conclurent à Londres un traité en huit articles qui fut annexé au traité général du congrès de Vienne : une convention spéciale entre l’Angleterre et la Hollande compléta cette œuvre diplomatique. Les Belges furent chargés d’une partie de la dette hollandaise ; la Hollande perdit le Cap de Bonne-Espérance et l’île de Ceylan.

A peine Guillaume avait-il notifié sa nouvelle dignité aux états-généraux de Hollande, Napoléon revint de l’île d’Elbe. Le 20 mars 1815, il entrait à Paris ; le 30 mars, Guillaume faisait avec la reine son entrée solennelle à Bruxelles. « Cette royauté, dit van de Weyer, se trouvait ainsi entourée de circonstances analogues à celles qui avaient accompagné l’origine de la souveraineté dans les Provinces-Unies : née au milieu du bruit des armes, proclamée avant d’être légalement constituée, existant de fait, mais non reconnue en droit, la dignité improvisée donnait au prince qui s’en était revêtu un pouvoir dictatorial. » Le prince d’Orange alla du moins la défendre à Waterloo, sur le sol même de la Belgique. Il crut sans doute y conquérir à jamais pour sa race une souveraineté que l’Europe lui avait déjà offerte. On chargea une commission d’élaborer une constitution pour les deux pays réunis par la volonté de l’Europe. On fit des listes de notables en Belgique. « Le 18 août, dit van de Weyer, les députations des notables belges se réunirent à la