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le Pas-de-Calais, dans les Alpes-Maritimes, demain dans le Nord, dans l’Oise, dans la Drôme, — et en définitive, sous prétexte d’éviter un vote multiple et simultané qui pourrait ressembler à une manifestation, on ne fait que prolonger l’agitation en la déplaçant et en la morcelant. Dans ces élections mêmes, on ne sait trop que faire, quelle attitude garder, et la lutte finit par s’engager à peu près invariablement entre républicains et bonapartistes. A Versailles, c’est le républicain, M. Senard, qui est élu ; mais M. le duc de Padoue rallie 45,000 voix autour du drapeau de l’empire, après avoir abusé des conversations de M. le maréchal de Mac-Mahon, après avoir essayé de compromettre le gouvernement, de l’entraîner à sa suite, bravant les foudres de M. le ministre de l’intérieur, qui n’a eu d’autre moyen de désavouer une telle solidarité que d’enlever à M. le duc de Padoue ses modestes fonctions de maire. Dans le Pas-de-Calais, le candidat bonapartiste a jusqu’ici la majorité, et s’il devait la garder dans le scrutin de ballottage auquel il est soumis, ce ne serait certes pas un succès pour le ministère. A Nice, on laisse s’élever une question de nationalité, et on n’intervient que tardivement, assez gauchement, tout juste pour qu’une telle question paraisse partager le département en deux moitiés presque égales. Heureusement ce n’était qu’une apparence. Les candidatures présentées comme séparatistes ne devaient pas avoir absolument la signification qu’on leur a prêtée, puisque le premier acte du conseil-général qui vient de se réunir a été une protestation unanime et chaleureuse d’adhésion à la nationalité française. Le pays n’est pas moins resté agité de cette crise médiocrement conduite. Dans la Drôme, voilà un républicain de 1848, M. Madier de Montjau, qui se réveille pour proclamer le droit divin de la république et pour contester à la France le droit de disposer d’elle-même. Il est étrange, le candidat de Valence en Dauphiné ! La France ne veut plus de maîtres, s’écrie-t-il fièrement ; mais la France est de droit primordial, antérieur, supérieur et inaliénable, à des républicains comme lui, et si les habitans de la Drôme sont de son avis, ils ne sont pas difficiles. Dans l’Oise, c’est aussi entre la république et l’empire que la lutte est engagée, de sorte que tout a l’air de se passer en dehors du gouvernement, et en réalité tout pourrait se passer autrement, si la situation était mieux définie, si toutes ces questions d’organisation constitutionnelle étaient tranchées, si le gouvernement, plus libre, plus fort par l’appui des institutions, armé de l’intérêt national qu’il doit représenter, pouvait jouer son rôle ouvertement et simplement aux yeux du pays. Si la neutralité dans laquelle il se renferme est une nécessité de sa position, raison de plus pour se hâter de mettre fin à une crise qui à la longue ne profiterait qu’aux partis extrêmes, qui ne sert ni les opinions modérées, ni l’assemblée, ni le gouvernement, ni la France.

Certainement il y a bien des manières de faire de la politique. Il y a d’abord celle dont on abuse vraiment un peu trop aujourd’hui, et qui