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sation constitutionnelle devenue plus que jamais la première des nécessités. Espère-t-on reconstituer la majorité du 24 mai et reprendre avec elle l’œuvre interrompue ? Mais les légitimistes ne veulent rien entendre, les bonapartistes n’ont à offrir qu’un concours trop visiblement intéressé, et en admettant même qu’on pût arriver à rallier les uns et les autres, ce serait se condamner à des compromis, à des équivoques nouvelles qui ne feraient que perpétuer l’incertitude dont on souffre. Il ne reste donc que cette union « des hommes modérés de tous les partis, » à laquelle M. le président de la république a fait appel, et qui se résume au point de vue parlementaire dans l’union des centres. Est-ce là ce qu’on veut ? Si on le veut, il n’y a point à jouer sur les mots, il faut aborder les choses sans détour et sans subterfuge. La proposition de M. Casimir Perier avait le mérite d’être la solution la plus simple et la plus pratique. Elle donnait au pays des institutions, au pouvoir exécutif une consécration nouvelle et ses attributions nécessaires, en même temps qu’elle laissait aux opinions leur dignité, puisqu’elle réservait une possibilité de révision, qui est d’ailleurs le droit inaliénable de la souveraineté nationale. Ce programme va-t-il reparaître aux premiers jours de la session prochaine, qui doit s’ouvrir le 30 novembre ? Ce n’est point impossible. Dans tous les cas, il n’y a qu’un moyen de conduire utilement et heureusement cette campagne, si on finit par se décider à l’entreprendre sérieusement, c’est d’aller droit au fait, de ne pas se perdre en subtilités, de ne pas être toujours à discuter pour savoir si c’est le centre gauche qui va au centre droit, ou si c’est le centre droit qui va au centre gauche. Et surtout le moyen d’arriver à une conciliation véritable n’est pas de commencer par des récriminations, par une guerre d’acrimonie contre des hommes dont le seul tort est de croire qu’au moment où nous sommes il n’y a de possible que ce qui existe, c’est-à-dire après tout la république.

C’est aussi au gouvernement de revendiquer son rôle et son droit d’initiative, de prendre position, de parler nettement, de haut, au nom de l’intérêt national qu’il doit représenter. Son intervention franche et résolue diminuerait sans doute bien des difficultés et ferait cesser bien des hésitations. La plus dangereuse des politiques, c’est de se réduire à un rôle incertain ou effacé, de paraître se laisser lier par toute sorte de considérations de position et de tactique, de s’arrêter à des combinaisons inefficaces, à des demi-solutions.

Qu’en résulte-t-il ? On fait des élections. Par un calcul que rien n’explique et qui n’est peut-être qu’une routine, on attend d’abord la dernière heure du délai légal, comme si c’était une obligation stricte de laisser la représentation nationale incomplète. Dans un intérêt prétendu conservateur, on ne veut pas faire les élections le même jour, on les échelonne de semaine en semaine, de mois en mois, il y a quelque temps dans le Maine-et-Loire et dans le Calvados, hier à Versailles, dans