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suivi bientôt du 5e corps de Clinchant. Désormais, avant le 20 mai, on tenait Paris de toutes parts. La résistance qu’on avait rencontrée néanmoins, l’opiniâtreté des fédérés sur certains points, tout semblait indiquer que l’insurrection, à mesure qu’elle se sentait serrée de plus près, redoublait de fureur et ne renonçait pas au combat. Cependant la batterie de Montretout poursuivait son œuvre de destruction sur les remparts du Point-du-Jour, ouvrant le chemin par où devraient s’élancer les soldats de l’armée de Versailles. Deux ou trois jours encore semblaient nécessaires.

C’était un dimanche, le 21 mai. Évidemment l’insurrection se croyait ou affectait de se croire bien en sûreté dans sa citadelle usurpée, puisque la veille elle adressait des proclamations confiantes aux grandes villes de France et se promettait de longs jours. Tout allait pour le mieux, puisqu’il y avait ce dimanche un grand festival sur la place de la Concorde. On bravait encore le péril lorsque dans l’après-midi Dombrowski, qui se trouvait au château de la Muette et qui n’était pas sans démêler Ia vérité, télégraphiait au comité de salut public : « Mes prévisions sont réalisées. La porte de Saint-Cloud a été franchie par l’armée versaillaise. Je rassemble mes forces pour l’attaquer… Si par impossible les Versaillais restaient maîtres de cette partie du rempart, nous ferions sauter ce qu’il y a de miné, et nous les tiendrions en respect de notre seconde ligne de défense appuyée sur le viaduc d’Auteuil. »

Que s’était-il donc passé ? Ce jour-là, dimanche 21 mai, vers trois heures du soir, un inconnu apparaissait sur le rempart, près de la porte de Saint-Cloud, agitant un mouchoir blanc. C’était un employé des ponts et chaussées, M. Ducatel, qui faisait appel à nos avant-postes peu éloignés. Aussitôt le capitaine Garnier, de service aux tranchées, s’approchait. Sur ces entrefaites arrivait le commandant de marine Trêves. On reconnaissait que les défenses étaient désertes, que les insurgés, ne pouvant plus tenir sous le feu, avaient abandonné les abords du rempart et qu’on pouvait prendre possession de la porte. L’acte de M. Ducatel était certes aussi désintéressé qu’intrépide, puisqu’il pouvait tomber obscurément sous la fusillade ; mais enfin il est bien clair que, si la porte de Saint-Cloud se trouvait libre, c’était le canon de Montretout qui y avait contribué, et c’était l’armée reconstituée qui avait préparé cette situation où le dévouaient d’un homme suffisait pour trancher un nœud à peu près : rompu. M. Ducatel avait le mérite de précipiter et de faciliter un dénoûment inévitable, prix de cinq semaines d’efforts. A quatre heures, deux compagnies du 37e de ligne appartenant à la division-Vergé de l’armée de réserve prenaient définitivement possession de la porte, et le drapeau de la France remplaçait sur les murs de