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médecine. Ce serait d’ailleurs rendre service à l’école de Paris, qui « étouffe de pléthore, » par suite de l’encombrement auquel elle est exposée. Malgré l’immensité de ses ressources, le nombre des hôpitaux, des malades et des professeurs, elle ne peut plus depuis longtemps suffire aux exigences d’un enseignement qui embrasse 5,000 élèves. Ce serait enfin ranimer le mouvement scientifique dans les villes de province, où l’on voit tant de professeurs distingués lutter dans l’isolement contre l’indifférence. Toutefois, pour faire œuvre durable, il vaut mieux ne pas bouleverser d’un seul coup notre organisation médicale par la création d’un trop grand nombre de facultés nouvelles ; la commission a pensé qu’il suffirait d’en fonder d’abord deux dans des conditions où la prospérité matérielle et intellectuelle de ces établissemens fût absolument assurée. Il s’agissait dès lors de choisir entre les six villes qui aspirent à devenir des centres d’enseignement médical sérieux.

Les diverses régions de la France peuvent être divisées, pour la question qui nous occupe, en trois catégories : il y a des pays qui veulent et peuvent former des médecins, — telles sont les vallées de la Garonne et de ses affluens, — puis des pays qui le voudraient, mais ne le peuvent à cause de l’éloignement des facultés : la Bretagne et l’Auvergne sont dans ce cas ; il y a enfin des pays qui le pourraient, mais ne le veulent : ce sont les départemens du nord-ouest et surtout du nord. Une faculté nouvelle trouvera aisément dans les régions du premier groupe des élémens de succès, et elle rendra de grands services dans celles du second, elle pourra même y prospérer, si on l’installe dans une ville bien choisie. Quant aux pays de la dernière catégorie, il y a évidemment lieu de les écarter ; la Somme n’envoie presque pas d’étudians à Paris, il n’en irait pas davantage à la faculté qu’on établirait à Lille. Marseille, où les médecins ne manquent pas, mais qui fournit peu d’étudians, doit également être éliminée. Resteraient Bordeaux et Toulouse pour les régions de la première catégorie, Lyon et Nantes pour celles de la seconde. Pour fixer le choix définitif, il faut recourir à d’autres considérations, telles que la population et les ressources hospitalières, le mouvement intellectuel général, les moyens d’étude scientifique, l’importance des écoles secondaires, la valeur du corps médical dans ces villes, enfin les offres faites par les municipalités. Sous tous ces rapports, Lyon, avec ses 323,000 habitans, ses nombreux hôpitaux et hospices qui reçoivent plus de 30,000 malades par an, son imposant corps médical, se place immédiatement hors pair ; ajoutons que le conseil municipal affecte à l’installation de la future faculté un terrain de 26,000 mètres, dont la ville devra acquérir la moitié, et une somme de k millions pour les constructions, qu’il s’engage enfin à rembourser pendant cinq ans l’excédant des dépenses sur les recettes de l’école. Au second rang vient Bordeaux, et ici encore la réunion des conditions favorables est tellement évidente que l’hésitation n’était pas possible.