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instruits n’augmente pas de manière à combler les vides qui résultent de la disparition des officiers de santé. Les conséquences de cette fâcheuse situation deviennent encore bien plus évidentes lorsqu’on examine la distribution des médecins sur les divers points du territoire et proportionnellement à la population. Rien n’est plus variable que la proportion des docteurs en médecine : si dans le département de la Seine on en trouve 1 pour 1,100 habitans, et dans l’Hérault, siège de la Faculté de Montpellier, 1 pour 1,600, en revanche il y a des régions, comme l’Auvergne, la Bretagne, les Côtes-du-Nord, le Pas-de-Calais, où l’on compte 1 docteur pour 7,000 ou 8,000 habitans ; dans le Morbihan, on en trouve 1 pour 10,000 ! Dans la région du nord, on peut citer des villes de 15,000 ou 20,000 âmes qui se contentent d’un officier de santé. Or la proportion au-dessous de laquelle il paraît nécessaire de ne pas laisser tomber la moyenne des docteurs en médecine est de 1 pour 3,000 habitans ; à ce compte, 63 de nos départemens sont dans une condition anormale. Beaucoup de personnes s’imaginent peut-être que les officiers de santé suppléent à cette pénurie de médecins, que, fidèles à la pensée qui a inspiré le législateur, ils vont exercer dans les campagnes délaissées par les docteurs : c’est là une illusion facile à dissiper. Les officiers de santé suivent partout les docteurs, et les cartes où l’on a figuré la distribution géographique de ces deux ordres de praticiens se ressemblent absolument, sauf une curieuse exception : dans nos riches départemens du nord, à populations agglomérées, les officiers de santé priment les docteurs. En somme, il est facile de constater que ces praticiens inférieurs quittent les pays pauvres pour envahir les pays riches et les grandes villes, où nombre d’entre eux s’affublent des diplômes de docteur que délivrent si facilement certaines petites villes d’Allemagne, d’Italie, de Belgique ou d’Amérique.

Ce qui est très remarquable, c’est le parallélisme qui existe entre le nombre des médecins qu’on trouve dans une région donnée et celui des étudians qu’elle envoie aux facultés : les pays pauvres en médecins fournissent peu d’étudians, et ceux qui sont bien pourvus en fournissent beaucoup. C’est là un effet assez naturel de l’esprit d’imitation. On peut dire, en sens inverse, que les régions où il se formera peu d’étudians en médecine seront des régions pauvres en médecins, car les jeunes gens, leurs études terminées, retournent volontiers dans leur pays. Il faut donc multiplier les étudians pour augmenter le nombre des médecins, et quel meilleur moyen pour cela que de leur faciliter l’étude par la création de centres d’instruction à leur portée ? Ce serait en même temps le moyen de relever le niveau intellectuel du corps des pharmaciens, qui baisse d’une manière inquiétante, car aujourd’hui, pour 100 diplômes de 1re classe, on en délivre 300 de 2e classe chaque année.

L’analyse des faits et des chiffres démontre ainsi la nécessité de décentraliser l’enseignement médical par la multiplication des facultés de