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disparaissent pour faire place à une simple dénomination. Souvent même le marchand se contente d’inscrire à la devanture de son magasin le nom qu’il porte et l’énoncé de son commerce. Ces figures symboliques, jadis si usitées pour instruire ou pour amuser les enfans, sont remplacées par des images représentant les êtres, les objets de la nature, à la connaissance desquels on initie ainsi la jeune intelligence, et si l’on continue encore, par un effet de l’habitude, à se servir de quelques types emblématiques, tels que ceux des cartes à jouer, on n’y attache plus dans la pratique aucune signification. Ce qui arrive pour les représentations figurées se produit aussi pour ces actions, ces usages qui constituaient comme une mimique symbolique. Les cérémonies allégoriques, que la révolution française tenta vainement de ressusciter, n’ont plus chez nous ni chaleur ni vie ; ce sont tout au plus des occasions de déployer un luxe de vêtemens, d’exhiber d’antiques costumes ; en tant que cérémonies symboliques, ce ne sont que de froides parodies des habitudes du passé. Dans le culte même, dont les rites, symboles d’un autre genre, traduisaient originairement aux yeux la doctrine enseignée par l’église, le génie de ce langage tend à se perdre ; le peuple cesse de comprendre et de chercher même le sens des pratiques auxquelles il assiste, et la parole évangélique, que la réforme protestante substitua à la liturgie catholique, tend à prendre la grande place dans l’enseignement religieux. Ce n’est plus dans les sculptures qui décoraient les portiques des cathédrales, sur les vitraux qui en garnissaient les fenêtres, sur les chapiteaux qui en soutenaient les voûtes, tous semés de symboles et d’allégories, que les fidèles vont apprendre le catéchisme. Les attributs emblématiques de l’autorité souveraine, la couronne, le sceptre, la main de justice, le globe surmonté d’une croix, ne sont plus que d’inutiles joyaux dont le prince évite de se charger. De tous les vieux symboles nationaux, il ne nous reste à cette heure en France que le drapeau, que la décoration qui pare la poitrine du brave et sert de signe au mérite, et sur lesquels se concentre ce qui nous reste encore d’attachement et de foi aux emblèmes, car je ne veux pas mentionner le triangle égalitaire de certaines sectes socialistes, les emblèmes maçonniques, produits d’un archaïsme qui ne parviennent pas à pénétrer dans les mœurs. L’art lui-même, qui vit pourtant d’images, en devenant plus réaliste s’éloigne de ces anciens types, où la convention chassait la réalité, qui s’adressaient à l’âme et au cœur plutôt qu’ils ne charmaient les yeux, qui se proposaient moins de représenter la nature que de susciter une passion généreuse ou un sentiment pieux.

Assurément il y a dans tout cela, sous le rapport intellectuel, un