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Le vêtement féminin peut être bien plus complètement suivi dans ses modifications sur les sceaux que celui des hommes, car toutes les femmes au moyen âge n’étaient pas des Jeanne d’Arc ou des Jeanne Hachette endossant au besoin la brigantine[1] ; elles préféraient se montrer sur leur sceau avec le costume qu’affectait l’élégance du temps. On peut d’ailleurs ici se fier à l’exactitude des détails. La coquetterie du beau sexe qui saisit d’un seul coup d’œil la moindre erreur, la moindre incorrection d’ajustement, n’aurait pas souffert que le graveur s’écartât des prescriptions de la mode, impérieuses à toutes les époques et plus docilement obéies que celles de la loi. Les sceaux de femme apparaissent au XIIe siècle, à peu près à la même date que les sceaux équestres. Le plus ancien de la collection des Archives nationales est celui de Sibile, seconde femme de Thierri d’Alsace, comte de Flandres ; il porte le millésime de 1157. Les femmes sont figurées sur leur sceau tantôt à cheval, tantôt debout, rarement assises. Grâce à ces images, nous pouvons durant près de trois siècles suivre les changemens, je dirai volontiers les révolutions, tant la chose était grave pour les femmes, des diverses parties de leur toilette. Nous voyons d’abord en 1140 la tunique de dessus à longues manches pendantes serrant étroitement tout le corps et accusant les formes ; elle disparaît aux environs de l’année 1230, et est remplacée par le surcot, tunique sans manches, qui n’a pas de ceinture, et est fendue pour donner passage aux bras. Une jupe courte laisse amplement voir la tunique de dessous à manches étroites. Ce dernier vêtement, moins apparent naturellement, trahit cependant aussi sur les sceaux ses variations. Le surcot est dépossédé à son tour dès 1233 par une robe plus étoffée du corsage et de la jupe, et qui subit des modifications aux périodes suivantes. En 1290, la robe, tout en continuant d’être ajustée aux épaules, devient large et flottante du bas. La jupe tombe librement sans ceinture et traîne jusqu’à terre ; les manches amples ne dépassent pas le coude, et l’avant-bras est recouvert par la manche étroite de dessous. C’est là ce qu’on appelait la cotte hardie, qui s’élargit davantage au milieu du XIVe siècle. La coiffure n’éprouve pas de moindres modifications. Au XIIe siècle, les cheveux des femmes sont séparés sur le milieu du front et tombent souvent en longues tresses. Au XIIIe siècle (1214) apparaît la petite toque ou mortier, garnie de rubans, noués parfois sous le menton et dont les formes se diversifient singulièrement ; puis viennent les chignons, les tresses, la coiffure en voile, qui date de 1244 et se modifie de mille manières. Considérez les sceaux et vous y distinguerez la veuve et

  1. Cette armure, que portaient quelquefois les femmes, était une sorte de camisole à jupe, garnie de plaques ou d’un système de mailles ; on en peut voir une on velours à l’exposition de l’Union centrale.