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était vassal, d’une abbaye ou d’une commune à laquelle on appartenait. Cependant la faculté de prendre un sceau n’était pas toujours jugée de droit commun, et au XIVe siècle on voit le roi en France concéder comme un privilège à certains établissemens le droit de sceller avec un sceau particulier. Ce droit devint pour ceux qui en jouissaient une source de revenus par la perception d’une taxe ou, comme l’on disait, par les émolumens du sceau ; cette fiscalité se perpétua au profit de l’état jusqu’à la révolution, et le droit de petit scel faisait partie des impôts prélevés par l’administration générale des domaines. Chaque juridiction eut son sceau particulier. Il y avait par exemple jadis le sceau des petites chancelleries ou des parlemens, le sceau des présidiaux, le sceau de justice, dont faisaient usage les juges royaux inférieurs, etc.

Le sceau était devenu comme la marque de la personnalité. Quand une personne changeait d’état, elle devait adopter un nouveau sceau ; elle se servait toutefois de l’ancien tant que le nouveau n’avait point été gravé. Par exemple un écuyer, un damoiseau changeait de sceau quand il avait été armé chevalier ; un évêque en changeait pareillement quand il passait à un autre siège ou était élevé au cardinalat. Ainsi s’explique la multiplicité des types de sceaux que nous possédons. Ce qui a encore contribué à les multiplier, c’est que souvent à une même charte étaient attachés un grand nombre de sceaux. Quand la longueur de la marge inférieure de l’acte ne suffisait pas pour qu’on les suspendît en une seule ligne, on les disposait sur plusieurs rangées ou on les fixait aux autres bords du parchemin ; en sorte qu’il y a des chartes qui en présentent aux quatre côtés. Ces sceaux multipliés se rencontrent surtout à partir des premières années du XIIIe siècle. Le chiffre s’en augmenta tellement qu’il est des actes auxquels plus de cent sceaux sont attachés. Le traité d’acquisition de la seigneurie de Malines, conservé aux archives du département du Nord, est en six expéditions contenant chacune cent sceaux, tous placés au bas de l’acte sur quatre rangées parallèles. Lorsque Jacqueline de Bavière quitta son deuxième mari pour épouser le duc de Glocester, Philippe le Bon provoqua sa déchéance et se fit déclarer héritier et gouverneur du Hainaut par deux chartes solennelles, l’une scellée de cent soixante-douze sceaux, disposés en onze rangées, et l’autre de cent dix sceaux. Une plainte que les Tchèques présentèrent au concile de Constance le 30 décembre 1415 était, au dire de Heineccius, munie de trois cent cinquante sceaux. Lorsque plusieurs sceaux étaient appendus de la sorte à une charte, on suivait dans leur disposition un ordre réglé par les préséances ; la place d’honneur était le milieu ou l’extrême gauche.

Pour se reconnaître dans nos collections en face d’une telle variété