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ont rien montré et que les commentaires leur ont appris beaucoup de choses, mais non point ce qu’il eût fallu leur apprendre. Les gravures sont sèches et dures, et dans les contours et dans les passages de tons à tons ; au contraire ce qui caractérise les originaux, c’est la morbidesse et l’harmonie. Pour les commentateurs, ils jugent et ils expliquent trop en érudits, pas assez en artistes. Ils s’inquiètent beaucoup plus d’entasser textes sur textes, inductions sur inductions, hypothèses sur hypothèses, afin de découvrir les sujets d’une composition ou la symbolique d’une figure, que de décrire cette composition ou cette figure. Ils font ainsi de très intéressantes dissertations mythologiques et historiques ; mais il semble qu’ils aient eu des yeux pour ne pas voir. Chercher à voir et à dire ce que nous avons vu, tel a été notre but. Ceci n’est donc point une étude archéologique ; c’est tout simplement ce qu’on appelle un salon, un salon sous le règne de Néron.


I.

Les peintures antiques exposées au musée Bourbon[1] se divisent en trois grandes classes : les peintures d’histoire, types mythiques, figures héroïques, sujets historiques, — les peintures de genre, scènes d’intérieur, ouvriers et artisans au travail, jeux d’amour, génies ailés, danseuses et musiciennes, grylles, grotesques, mimes, funambules, — les peintures purement décoratives, paysages, marines, animaux, motifs d’architecture, arabesques, masques comiques et tragiques, fleurs, natures mortes.

Au nombre des peintures historiques, il faut placer en première ligne le Thésée vainqueur du Minotaure. Le héros athénien, debout au milieu du tableau, est nu. Ses formes sont fortes, mais une proportion parfaite les fait élégantes. La tête très petite et le col massif comme un fût de colonne semblent empruntés au type d’Hercule jeune. Dans la main droite, Thésée tient le bâton noueux qui lui a servi à terrasser le monstre. Il abandonne sa main gauche à un éphèbe qui la lui embrasse ; un autre se prosterne à ses genoux, tandis qu’une jeune vierge, aussi sauvée de la mort par le magnanime fils d’Egée, touche religieusement sa massue. À ses pieds gît le Minotaure, vu en raccourci. Son corps de colosse, charnu et musclé, s’étend en pleine lumière, et sa monstrueuse tête de taureau, qui semble mugir encore, se modèle puissamment dans l’ombre. L’ensemble de cette peinture est d’un grand caractère. Le Thésée

  1. Celles du Vatican et du Palatin, ainsi que les nouvelles découvertes de M. Fiorelli à Pompéi, rentrent dans cette classification.