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de l’établissement d’une maison française à Mandalay, n’a-t-il pas répondu avec arrogance que la Birmanie ne tenait nullement à des relations de commerce spécialement françaises, mais que bien au contraire c’était la France qui recherchait l’amitié de la Birmanie, et qu’en conséquence il leur était permis de prendre les choses de très haut ? 4o Moung-mia, également, croyons-nous, gentilhomme de la chambre royale ; ce jeune homme, agréable et parfaitement élevé, parle très bien L’anglais ; il a passé à Londres plusieurs années, il y est actuellement retourné en qualité d’agent commercial. Enfin une suite de six individus, parmi lesquels un trésorier, trois sous-secrétaires et deux jeunes catholiques faisant fonction d’aides-interprètes, — ces deux derniers particulièrement intelligens, bien élevés et instruits, mais naturellement rejetés à l’arrière-plan, un peu à cause de leur religion, surtout à cause de la jalousie dominante de Moung-oung-thou, qui ne permettait pas qu’on arrivât à l’oreille du ministre sans passer par son canal.

On se met donc en route, deux d’entre nous restent à Mandalay : ce sont deux jeunes capitaines de l’armée française animés des plus nobles sentimens, et qui vont entreprendre un voyage d’exploration afin d’étudier quelles sont les relations que dans un avenir plus ou moins lointain on peut espérer créer entre la Cochinchine, le Tonkin et la Birmanie. Le roi d’ailleurs leur témoigne un grand intérêt et leur fournit des escortes et des moyens de transport, tant qu’ils seront dans son royaume. À l’heure où nous sommes, il y a lieu de les croire à plus d’à moitié de leur tâche, et il faut espérer que leur entreprise sera couronnée de tout le succès qu’elle mérite. — Trois autres vont rejoindre leur poste diplomatique en Chine, et le quatrième a pour mission d’accompagner les ambassadeurs jusqu’à Paris.

La route choisie est celle de Singapour. Dans cette place, les ambassadeurs sont reçus avec les plus grands honneurs, on les salue à coups de canon, et le gouverneur les invite à dîner. Il était facile de deviner une vague préoccupation chez les agens anglais, qui ne manquaient pas d’affirmer à toute occasion que la France ferait fausse route, si elle venait faire de la politique dans le golfe du Bengale : ces eaux, l’Angleterre les considère comme siennes et les fera respecter comme telles, laissant d’ailleurs, du moins on le dit, la plus grande liberté d’agir à la France de l’autre côté des détroits de Malacca.

À Paris, la conduite du gouvernement fut ce qu’elle devait être. De politique, il n’en fut pas question ; de commerce, on en parla peu, la question était réservée et dépendait du retour pur et simple, de la part du gouvernement birman, au premier traité.