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au président de la république en échange de ceux que celui-ci avait envoyés au roi de Birmanie. Le sort de ce deuxième projet de traité était jugé d’avance pour tout esprit clairvoyant ; on y voyait percer la politique méfiante à l’égard de la Grande-Bretagne, et on y lisait des clauses contraires à la dignité de la France dans un article qui stipulait que nos nationaux seraient justiciables des tribunaux birmans.

Le gouvernement français a sagement agi en accueillant avec une certaine cordialité les ambassadeurs birmans, mais en enterrant leur ridicule projet. Aujourd’hui le gouvernement de Mandalay reste libre de dénoncer le premier traité, si cela lui convient ; mais, au lieu d’en venir là, il est probable qu’il entreprendra de nouvelles négociations, trop tard peut-être pour lui, car la France, malgré tous ses malheurs, peut encore se passer de la Birmanie et ne compte pas sur ses vaillantes troupes pour lui venir en aide. Il ne serait pas étonnant alors qu’on laissât entendre au souverain de Mandalay que nous avons des traités avec beaucoup de puissances tout à l’entour du globe, et qu’il nous est impossible de consacrer notre temps à des négociations stériles avec la Birmanie.

L’ambassade birmane était composée de la façon suivante : 1o son excellence Thadô-menguy-mahâmeng-la-tsithou, keng- woun-menguy, — ministre des affaires étrangères du roi de Birmanie, ambassadeur extraordinaire, grand-officier de la Légion d’honneur, etc. La série de ses noms pourrait se traduire ainsi qu’il suit : enfant royal, grand dignitaire, haut et noble seigneur dont le nom est connu au loin, grand dignitaire maître des postes de police de la frontière (c’est-à-dire des relations extérieures). Il paraît intelligent et rempli de tact. 2o Meng-la-zéya-thou-tsa-ray-dan-guy, — premier secrétaire, chevalier de la Légion d’honneur, etc., et que nous savons déjà être le noble seigneur investi de la haute dignité d’écrire des lettres, — d’ailleurs bon vivant et également intelligent. 3o Moung-oung-thou, celui dont nous avons parlé, gentilhomme de la chambre royale, faisant les fonctions d’interprète. Avant de partir, nous avions cru devoir attirer sur le manque d’éducation de ce jeune homme l’attention de ses chefs ; notre démarche resta sans résultat, peut-être au contraire le gouvernement birman ne voyait-il pas avec déplaisir les fonctions d’interprète confiées à quelqu’un qui n’avait pas la sympathie des envoyés français. Il peut aujourd’hui reconnaître les inconvéniens de son manque de confiance, car, sans cet intermédiaire désagréable, mais obligé, bien des choses auraient pu aboutir. Combien de négocians et de gens intéressés à apprendre quelque chose sur la Birmanie se sont plaints de ses procédés ! À un commerçant respectable, qui étudiait la question