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des yeux Burchard pour l’aider à sévir, mais Burchard avait disparu, dans la crainte sans doute d’être compromis. Il fallut se passer de lui. Les malfaiteurs essayèrent d’abord sur divers points du camp des feintes dont Goodwin ne fut pas dupe ; il leur laissa le temps de se concentrer, voulant les battre en bonne forme, et, lorsqu’on fut venu l’avertir qu’ils étaient en train de démolir une lente : — C’est là que s’engagera le combat, dit-il. Arrêtez tous ceux que vous pourrez et tuez le moins possible !

Ce conseil n’était pas superflu avec des hommes de la frontière, qui n’auraient eu aucune répugnance à casser quelques têtes au nom de la paix et de la civilisation. Ils se mirent à distribuer des coups de gourdin et de massue au milieu d’un épouvantable vacarme, dans lequel vibraient les cris de détresse des femmes et des enfans. La cavalerie attaqua des deux côtés, les fantassins chargeaient de front. Le sang-froid de son intrépide général enleva le succès du parti de l’ordre, qui compta cependant plus d’un blessé. Au moment où se repliaient les perturbateurs, vaincus une fois pour toutes, Goodwin aperçut à la lumière des torches le même personnage étrangement déguisé qui avait reçu un jour certain sac d’argent de ses mains, auprès du Trou de Brewer. Cet individu, toujours caché sous un bonnet de peau de loup qui rejoignait sa longue barbe, se dissimulait de son mieux parmi les buissons.

— Abattez celui-là, cria Goodwin, je le connais, c’est un voleur ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Le coup que porta le casse-tête du frère

Mellen eût certainement été mortel, si l’épaisseur des broussailles ne l’eût atténué.

— Arrêtez-le ! cria de nouveau Goodwin. — Mais les fuyards par un suprême effort enlevèrent le blessé.

La chasse leur fut donnée bien au-delà de Jenkinsville jusque dans les bois où pendant plus de deux jours Morton et les siens les harcelèrent avec une persistance infatigable, faisant un certain nombre de prisonniers. Les citoyens honnêtes du pays, électrisés par l’exemple des méthodistes, prirent sur eux de terminer une œuvre de destruction nécessaire, et le camp fut prolongé de la façon là plus triomphante, mais personne ne put dire ce qu’était devenu Burchard. Le bruit courut qu’un homme répondant à son signalement s’était embarqué à Cincinnati pour la Nouvelle-Orléans, et, bien que cette fuite parût inexplicable, on ne s’en tourmenta pas davantage.


XI. — LE VOYAGE DE PATTY.

Nous avons laissé Patty irrésolue sur le grand chemin devant la maison paternelle, impitoyablement fermée. Toutes les cabanes