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les maîtres qui témoignent de la connaissance des méthodes, de les préférer le plus possible aux purs humanistes, et, quand l’occasion le permettrait, de créer pour de vrais savans, mais pour eux seulement, des chaires nouvelles. Ces innovations, on peut en être sûr, ne demanderaient pas de longtemps à l’état de grands sacrifices. Pour quelques milliers de francs par année, le ministère ferait tout ce qui est utile. C’est par les facultés que l’enseignement public sera sérieusement modifié. Si on pouvait espérer en dix ans y faire entrer une vingtaine de professeurs persuadés des règles de la critique érudite, chacun d’eux formerait des élèves, qui eux-mêmes feraient connaître les méthodes ; ce serait un changement profond dans l’université tout entière, d’autant plus heureux qu’il n’aurait d’autre origine que la conviction des nouveaux convertis. Cette manière de procéder serait même plus sûre que toutes les innovations des programmes qu’il faut faire appliquer le plus souvent par des maîtres qui ne peuvent en comprendre l’importance. C’est parce que la persuasion l’emporte de beaucoup sur toutes les mesures prises par décret que les signes excellens, faciles à constater dans l’opinion de l’Université, doivent inspirer toute confiance ; c’est aussi pour cette raison qu’importent si fort au progrès de la culture intellectuelle les rares écoles qui ont pour mission de former des savans. Jusqu’ici leurs élèves ont représenté, beaucoup plus que les professeurs de facultés, l’enseignement supérieur ; ils doivent garder ce privilège ; mais à mesure qu’ils deviennent plus nombreux, il est utile qu’ils arrivent eux-mêmes, et le plus tôt possible, aux chaires de ces facultés. Le jour où ils y constitueront une minorité respectable, aucune des qualités de l’esprit universitaire ne pourra en souffrir, et cependant la victoire des études positives sera certaine.

Quelques exemples récens montrent combien il nous est facile de créer, quand nous le voulons, une armée de travailleurs. Nous ne l’avons tenté que rarement ; mais le succès dit assez que dans cet ordre, avec un peu de fermeté et de sens droit, on peut tout espérer de nos jeunes gens. L’École des chartes, mal dotée, médiocrement encouragée, a été fondée pour une étude spéciale, celle du moyen âge. Elle a eu des élèves réguliers, elle leur a enseigné la méthode ; peu d’institutions ont rendu de plus grands services. Par l’activité, par le nombre et la valeur des travaux, elle peut soutenir avec l’étranger toutes les comparaisons. Elle a publié une riche bibliothèque, pris l’initiative d’une foule d’œuvres utiles ; elle a fait plus, elle a répandu dans toute la France par ses disciples les vraies méthodes. De tous les livres d’histoire nationale qui s’impriment dans nos départemens, ceux qui portent la marque de son influence ont presque seuls une valeur. Pour la connaissance de l’art et des