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consacrés chaque année, par le seul département de l’instruction publique, à provoquer des travaux ou à en faciliter la publication. Avec cette somme bien employée on peut faire beaucoup. La direction des beaux-arts concourt au même but dans une large mesure. Sans compter les bulletins et les mémoires répandus dans les provinces, l’administration a un recueil, celui des sociétés savantes, où elle admet, après examen, les recherches inédites qui méritent d’être publiées. Elle a créé ou elle soutient d’autres collections réservées surtout à l’histoire nationale. Combien trouverait-on en France d’ouvrages d’une réelle valeur scientifique qui soient restés inconnus du public, faute des secours qui auraient permis de les imprimer ? Le budget de l’enseignement supérieur est insuffisant à deux points de vue : il ne permet pas à nos grandes écoles de se donner les conditions matérielles d’études, parfois même les locaux qui leur sont indispensables, et sur ce point il faudra répéter, jusqu’à ce que justice nous soit accordée, les faits si tristes que rapportait en 1873, devant les délégués des sociétés savantes, le ministre de l’instruction publique. Cette pénurie s’oppose à la création de cours nouveaux, et c’est là encore un inconvénient grave. Toutefois les chaires qu’il serait opportun d’instituer dans l’ordre des lettres sont celles pour lesquelles nous avons des maîtres bien préparés ; le nombre en est peu élevé, tandis que dans beaucoup de celles qui existent les réformes de méthode sont indispensables et ne demanderaient au budget aucun sacrifice. Solliciter des crédits pour multiplier les professeurs sans modifier l’enseignement serait une déplorable illusion ; le remède aggraverait le mal. Ce qui importe, malgré l’insuffisance évidente des ressources financières, c’est bien moins l’argent que la tendance des études.

Il n’est pas rare d’entendre dire, dans les discours moraux sur l’état du siècle, que le goût du confort détourne des recherches difficiles. L’Université de France travaille beaucoup. Il ne faut pas avoir vu les jeunes gens de nos écoles pour croire qu’ils épargnent leur peine. Tout le monde sait les lourdes tâches que s’imposent ceux de l’École polytechnique et de l’École centrale. À l’École normale, il est telle section, celle d’histoire par exemple, où à la fin de l’année les santés sont épuisées de fatigue. Un maître qui parle à des esprits sérieux et leur montre l’intérêt des travaux qu’il leur demande peut tout en exiger. Il y a quelques années, un ministre engagea son personnel à faire des conférences publiques ; en quelques mois, il se prononça en France de 3,000 à 4,000 discours, qui n’étaient pas des improvisations, qui avaient demandé beaucoup d’efforts et pour le fond et pour la préparation de la forme. Le goût était à l’éloquence ; s’il se mettait aux recherches