Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/786

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III.

S’il est à souhaiter que, dans la mesure où notre génie national le permet, le nombre des travailleurs devienne en France plus nombreux, et le goût des méthodes scientifiques plus général, comment ce double but peut-il être atteint ? Il nous est facile de voir ce que valent les raisons secondaires ou tout au moins incomplètes qu’on donne souvent de l’état des hautes études dans notre pays.

Un des derniers ministres de l’instruction publique remarquait dans un récent discours que, pour toutes les facultés des lettres, des sciences, de droit et de médecine, l’état dépensait une somme de 86,311 francs. Le trésor en effet avance à l’instruction supérieure 4,400,000 francs ; les droits d’examen lui rapportent plus de 4,300,000 francs. Comme on le voit, l’enseignement des facultés coûte au budget beaucoup moins que le traitement d’un ambassadeur. La part de l’état dans l’entretien des lycées n’est que de 3,233,000 francs. Ce sont là des sommes trop faibles et qui doivent donner à penser. Quelle part n’ont pas eue dans nos épreuves l’ignorance et le dédain des notions positives ! Bien qu’on en puisse dire, de pareils faits prouvent que l’opinion publique n’a pas une idée juste de ce qu’est l’enseignement. Le jour où cette conviction sera dans l’esprit de la majorité et non de quelques-uns, les chambres, interprètes de la volonté générale, feront une réforme, qui, loin de grever le budget, lui épargnera peut-être quelques-unes des terribles surprises auxquelles nous l’avons vu exposé.

Cette parcimonie cependant n’est pas une des causes principales de la situation des hautes études. En réalité, le budget de l’enseignement supérieur ne se borne pas tout à fait à ces 86,311 francs. Tandis que les universités allemandes réunissent presque toutes les chaires, il s’en faut qu’en France les facultés résument l’enseignement supérieur. Il suffit de rappeler le Collège de France, l’École normale, l’École des chartes, celles des hautes études et des langues orientales vivantes. On remarquera aussi que pour l’instruction publique il est souvent possible de faire beaucoup avec peu d’argent. L’École des chartes, qui va dépenser cette année 56,000 francs, s’est contentée longtemps de 40,000. La section d’histoire et de philologie de l’École des hautes études ne coûte guère plus de 30,000 fr. ; l’Institut de correspondance archéologique de Rome, qui, depuis quarante années, exerce sur les recherches savantes une influence de premier ordre, a un budget moindre encore. Si l’état s’impose peu de sacrifices pour les facultés, plus de 500,000 francs sont