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prise en sera d’autant plus difficile. Étonné de ce cirque rempli de monde ainsi que de la foule qui, n’ayant pas trouvé de place, se tient à une distance respectueuse à l’entour du troupeau, le sauvage ne quitte pas ses bonnes amies. Celles-ci, arrivées près de la porte, entourent, poussent, pressent leur victime de façon à l’obliger à la franchir. Le sauvage résiste, leur échappe, puis leur revient immédiatement, ne pouvant pas admettre qu’il soit trompé par elles. Enfin, exaspéré par les hurlemens du public, il prend sa course ; mais il a compté sans les vieux éléphans de combat dont nous avons déjà parlé. Ceux-ci le chargent en tête et l’obligent à retourner au milieu de ses compagnes. Ces alternatives durent au moins deux heures ; enfin la porte est franchie et refermée aussitôt. Dans l’arène commence un exercice semblable à celui des combats de taureaux en Espagne, et on comprend maintenant l’utilité du couloir réservé. L’éléphant agacé, irrité, poursuit les picadors, se précipite furieux contre la palissade, en un mot épuise ses forces. On ouvre alors la porte intérieure de la sortie, et, afin de l’engager à entrer dans cette souricière, on a eu soin d’y faire passer une femelle, que l’on maintient en dehors de la porte de sortie ; mais l’éléphant est devenu soupçonneux, et il reste au milieu du cirque, indifférent aux agaceries des jouteurs ainsi qu’à celles de sa compagne sans vergogne. Le voyant ainsi à bout, on prépare un câble avec un nœud coulant que l’on jette près d’un de ses pieds de derrière, car, dans l’état de prostration où il se trouve, il ne s’inquiète plus de ce qui se passe autour de lui ; toutefois personne n’oserait s’aventurer dans le rayon d’action de sa trompe. À l’aide d’une lance, on lui pique la jambe postérieure ; semblable à un cheval qui voudrait se débarrasser d’une mouche, il lève la patte et finit par la laisser tomber dans le nœud coulant. Or cette corde traverse la double porte et est amarrée à un cabestan qui se trouve au dehors. Aussitôt de virer au cabestan et d’entraîner le pauvre animal dans la souricière.

C’est alors que commence la partie la plus triste du spectacle. Il s’agit, à l’aide de câbles passés sous le ventre et noués sur le dos, de ficeler la malheureuse bête ; il s’agit également de lier ensemble les pieds de derrière. L’éléphant se débat, lutte et se met en sang ; mais la cage est solide et trop petite pour qu’il puisse y faire de très grands mouvemens ; quant aux hommes chargés de l’attacher, ils sont garantis par la claire-voie. L’opération terminée, la porte extérieure est ouverte, et le câble amène cette pauvre bête au-dessous d’une potence à laquelle on lie les cordes qui l’entourent, de manière qu’il ne puisse plus se coucher ; on le lie également au montant de la potence, et de cette façon il ne peut plus bouger.

À partir de ce moment, un homme spécial est attaché à son service,