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d’iceux. Si à mon retour je trouve que par votre moyen l’on avance besogne, je vous en saurai fort bon gré. Faites-le, je vous prie. En aucune autre chose ne puis-je rechercher votre affection où les effets me soient plus agréables. Vous êtes témoin de ma passion : si vous m’aimez, favorisez-la. Je vous en prie, et de croire que j’aurai mémoire de ce que vous ferez pour mon service. Dieu vous ait, monsieur le président, en sa garde. »

Là où le lecteur se range sans arrière-pensée avec Henri IV, c’est lorsque, supérieur à son temps, animé d’une résolution sereine, il soutient contre les objections attardées de la chambre des comptes son célèbre édit de Nantes, qui reconnaît aux protestans la liberté de culte et leur ouvre l’accès des charges publiques. Il a cette fois une telle conscience de son bon droit qu’il ne ressent, en présence des retards et des remontrances, nulle inquiétude, nul réel sentiment d’irritation : loin de là, il fait aux députés un accueil fort dégagé ; mais du même coup ses réponses ne souffrent pas contradiction, car elles exposent dans toute leur grandeur ses vues politiques. Le récit de cette entrevue, emprunté aux Créances de la chambre, c’est-à-dire au compte-rendu des audiences solennelles, est assurément une des plus curieuses pages du recueil de M. de Boislisle.

C’était vers la fin de mars 1599. Les députés de la chambre des comptes, chargés de porter les remontrances, vinrent pour trouver le roi dans ses « déserts de Fontainebleau, » comme il se plaisait à dire. Partis la veille de Paris, ils arrivèrent un dimanche à sept heures du matin. Ils se rendirent immédiatement au château ; mais sa majesté venait de partir pour entendre la messe à Saint-Mathurin, d’où elle ne devait être de retour que vers cinq heures du soir. Ils allèrent donc à la fin du jour sur son passage ; le roi leur dit qu’ils étaient les bienvenus, mais qu’il avait un grand mal de tête et ne pourrait les entendre que le lendemain, s’il n’était empêché par une médecine qu’il avait à prendre. Et il leur demanda s’ils avaient vu les agrémens de sa maison, et autres propos de bonne réception. Le lendemain, sur les huit heures du matin, ils se présentèrent de nouveau, et virent qu’on refusait l’entrée des appartemens du roi aux princes et seigneurs « pour la douleur de sa médecine, » et il leur fut dit qu’ils ne pourraient parler à sa majesté que sur l’après-dînée. C’est pourquoi étant revenus vers le midi, ils trouvèrent que le roi était encore incommodé, et il leur fut dit qu’ils auraient de la peine à lui parler plus tôt que sur le soir. Cependant Beringhen, le valet de chambre, fit entendre quelque temps après au roi comment ils attendaient toujours, et leur obtint d’entrer. Le roi était couché sur son lit ; après l’avoir salué, le président lui