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pas rencontrer ici l’accent personnel d’Henri IV, il n’aurait qu’à lire ensuite le post-scriptum, qui est autographe et dont l’expression se retrouve la même, à la fois énergique et bienveillante, resplendissante de bon sens et de simplicité forte.


« Si le sujet de mes édits était pour employer à quelques folles dépenses, la rigueur et la longueur dont vous usez aurait quelque apparence de justice ; mais étant pour le bien du royaume, vouloir plutôt donner l’état et la couronne à l’Espagnol que de secourir et par ce moyen garder votre roi et l’état de périr, cela est sans excuse et contre toute raison et justice. Obéissez donc, et conservez en ce faisant votre roi, son royaume et ses bonnes grâces tout ensemble. »


Même au lendemain de l’entrée dans Paris, le temps ne semblait pas venu encore des scrupules administratifs. Il fallait à tout prix acheter la victoire ; cependant les chefs ligueurs se faisaient payer cher les provinces ou les places qu’ils détenaient encore ; à des nécessités extraordinaires, il fallait des ressources anormales. Aussi voit-on quelques mois après le débat se renouveler entre le roi et la chambre des comptes. Il ne s’agissait plus cette fois de quelque aliénation du domaine, il s’agissait d’une création de plusieurs offices de receveurs provinciaux. Dans ses remontrances, le premier président soutint avec raison que, pour un secours médiocre et temporaire, le trésor royal se chargeait par de tels actes d’engagemens très onéreux pour un long temps. Plus il y a d’officiers dans une charge, disait-il encore, plus il y a d’yeux ouverts à leur profit personnel et à ceux de leurs amis, plus il y a de mauvais serviteurs dissipant le bien de leur maître, poison familier qui résout et consomme peu à peu les finances, nerf de l’état. — Ce propos terminé, le Mémorial de la chambre des comptes rapporte ainsi la réponse d’Henri IV :


« Messieurs, je reçois de bonne part vos remontrances. Je sais bien que tous édits nouveaux sont toujours odieux ; je l’ai fait avec autant de regret que vous en avez, et, sans la nécessité de mes affaires, vous ne seriez en peine de m’en venir faire des remontrances, que je reçois bien ; mais quand vous avez su ma volonté, vous deviez passer outre, et ne vous arrêter aux formalités que pourriez faire en autre temps. J’ai, depuis quelques années, fait vivre ma gendarmerie presque miraculeusement, sans argent, à la foule et ruine toutefois de mon peuple, qui n’a plus aucun moyen… Vous m’avez dit la charge qu’apporte cet édit, mais vous ne m’apportez point de remède. Si vous me faisiez offre de 2,000 ou 3,000 écus chacun, ou me donniez avis de prendre vos gages ou ceux des trésoriers de France, ce serait un moyen pour ne pas faire des édits ; mais vous voulez être bien payés, et pensez avoir beaucoup fait