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REVUE. — CHRONIQUE.

la nature des choses et dans l’intérêt des deux pays. C’est le résultat des efforts communs des deux gouvernemens, qui ont su s’inspirer d’une pensée supérieure de confiance et de bonne amitié. Ils ont laissé crier ceux qui étaient intéressés à les diviser, ils ont compris qu’entre l’Italie et la France il y avait des liens naturels, traditionnels, que tout devait resserrer et fortifier au lieu de les affaiblir. Est-ce que ces rapports peuvent être à la merci d’un incident subalterne, de la présence d’un vieux bâtiment dans les eaux italiennes ? Est-ce qu’il y aurait une question de l’Orénoque qui se serait réveillée dans ces derniers temps ? Comment peut-il y avoir encore une question de l’Orénoque ? Si elle existe, ce qu’il y a de mieux c’est d’en finir, c’est de débarrasser les rapports des deux pays d’une équivoque sans portée, bonne tout au plus à ramener un petit embarras périodique et à servir aux banales déclamations des partis. Il faut aller droit au fait. La France a laissé, il y a quatre ans, dans le port de Civita-Vecchia un vieux navire par un acte de suprême déférence pour le chef de l’église qui cessait d’être souverain temporel. Elle a laissé l’Orénoque à la disposition exclusive de notre ambassadeur auprès du saint-siège, en même temps qu’elle reconnaissait le roi Victor-Emmanuel couronné à Rome, établi désormais au Quirinal. En d’autres termes, par une combinaison singulière un bâtiment français est resté dans les eaux italiennes, placé uniquement sous l’autorité de celui de nos représentans qui n’a aucun rapport avec la souveraineté italienne. Que cette situation fût irrégulière, ce n’est point douteux ; elle n’a pu se prolonger qu’avec des ménagemens extrêmes, par l’esprit de modération et de conciliation des deux gouvernemens. Le cabinet de Rome, par considération, et nous osons dire par sympathie pour la France, s’est abstenu de toute réclamation directe et officielle ; il a gardé une grande réserve, et il avait raison dans son propre intérêt, puisque la présence du navire français était l’attestation la plus frappante de la liberté du saint-père, puisqu’il était clair que, si le pape voulait quitter Rome, il le pouvait, et que, s’il ne partait pas, c’est qu’il voulait rester au Vatican. Le gouvernement français de son côté n’a rien négligé pour que la présence de l’Orénoque gardât uniquement et exclusivement le caractère tout moral d’une marque de déférence personnelle. S’il y a eu des difficultés venant de zèles intempérans ou peu intelligens, elles ont été aussitôt assoupies. Elles peuvent cependant renaître sans cesse, elles n’échappent pas au gouvernement italien, elles pèsent sur le gouvernement français lui-même. La conclusion est que la politique la plus sage est de supprimer la cause de ces difficultés possibles et dont on n’est pas toujours maître, surtout lorsqu’il y a de part et d’autre des passions qui s’agitent autour de ministères dépendant jusqu’à un certain point des mobilités de l’opinion.

Parlons franchement, A quoi sert cet Orénoque vieillissant dans les eaux italiennes ? Il est, dit-on, à la disposition du saint-père pour le recevoir