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de ces puits est naturellement malsain et souvent fatal aux travailleurs. On attache le mineur à l’aide d’un câble que l’on déroule ensuite autour d’une sorte de poulie. L’homme descend ainsi avec le vase à remplir et les instrumens nécessaires à cet effet. À côté du grand câble se déroule en même temps une corde plus fine ; quand le mineur sent que la respiration va lui manquer, il en donne le signal en tirant la petite corde. Aussitôt ses compagnons le hissent ; on le voit bientôt apparaître livide et dégouttant de sueur ; on le couche à l’ombre, où il reprend ses sens. Pendant tout ce temps, un autre mineur est descendu et continue à remplir le vase laissé dans le fond du puits par son prédécesseur. Cette manière d’opérer est élémentaire. Il est difficile d’obtenir des renseignemens exacts sur ce que produisent ces puits ; ce que l’on peut constater, c’est l’exportation du pétrole de Haute en Basse-Birmanie, exportation notée à la douane anglaise. Or en 1872-73, il est passé, à la maison de douane de Thaiet-myo, 3,429,205 kilogrammes de pétrole, représentant une valeur de 1,182,870 francs.

Le gouverneur de Yenangyoung était venu au-devant de nous : c’est un vieillard de plus de quatre-vingts ans ; il était en compagnie d’une assez jolie femme de vingt ans environ, avec laquelle, nous a-t-on dit, il s’était marié depuis quelques jours seulement.

Le 26, vers midi, nous arrivions à Sagain, ancienne ville abandonnée et qui n’est plus qu’un village, située sur la rive droite, en face à peu près de l’ancien emplacement d’Ava. Les barques de combat étaient là nous attendant pour nous escorter jusqu’à Mandalay. Ces barques, dorées de tous les côtés, portent de 30 à 50 rameurs ; on distinguait parmi les plus belles celle du roi et celle de la reine ; bien entendu, ces augustes personnages ne s’y trouvaient pas. Il fut convenu qu’on passerait la journée entière à Sagain pour donner le temps à Mandalay de faire les préparatifs pour l’entrée solennelle du lendemain.

Vers huit heures du matin, le 27 décembre 1873, le bateau mouillait devant Mandalay. La ville ne se voit pas de la rivière, elle en est environ à 2 kilomètres, les berges sont un peu élevées et couvertes d’arbres, du moins en est-il ainsi à l’endroit où s’arrêta le vapeur. L’exactitude n’étant pas une vertu caractéristique des Orientaux en général et des Birmans en particulier, rien n’était encore disposé pour le débarquement. Peu à peu on vit pourtant arriver un certain nombre d’hommes étrangement affublés, que nous reconnûmes toutefois pour être des soldats au vieux fusil qu’ils portaient entre les bras. Cette arme semblait les embarrasser beaucoup ; les alignemens, le pas cadencé, le maniement d’armes, étaient autant de choses dont ils n’avaient jamais entendu parler : aussi profitaient-ils