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et la canalisation agricole exécutée depuis 1863, les ponts sur le Nil, les phares, le port et les cales de radoub à Alexandrie, etc. ; la totalité de ces dépenses représente la moitié des sommes fournies tant par la dette consolidée que par la dette flottante. Malheureusement la plus grande partie coïncide avec l’époque où la dette flottante était la plus faible en proportion, c’est-à-dire avant 1868, l’emprunt l’ayant réduite cette même année à 100 millions. Depuis lors, et dans les cinq années qui l’ont portée au chiffre de 750 millions, on ne pourrait guère mentionner en dépenses de travaux publics qu’une somme de 170 millions, dont 100 millions pour les chemins de fer achevés au commencement même de cette seconde période.

Il n’y a donc pas à chercher d’autres causes aux progrès de la dette flottante que le déficit annuel du budget ; mais ce chiffre de la dette flottante lui-même, qui en garantit l’exactitude ? Si les informations officielles font défaut pour connaître la situation approximative des recettes et des dépenses publiques, à plus forte raison manque-t-on de données certaines pour savoir le total de ces engagemens qu’il importe de tenir secrets, qui se contractent sans publicité et qui ont pour objet de pourvoir à des nécessités souvent pressantes. Néanmoins toute personne un peu mêlée aux affaires comprendra la facilité avec laquelle on se tient au courant des marchés passés ou à passer, des négociations d’argent en cours et des prêts consentis entre les gouvernemens obérés et leurs fournisseurs habituels. L’esprit de concurrence ou de spéculation, secondé par la perspicacité des intermédiaires, pénètre aisément les mystères, non pas seulement des chancelleries, mais des cabinets d’affaires, et le total des engagemens pris ne reste pas longtemps secret. Depuis 1868, le gouvernement égyptien a eu recours à des prêts à courts termes, incessamment renouvelés, onéreux toujours, mais surtout pendant la guerre de 1870-1871, qui avait fermé le marché de Paris aux bons égyptiens, empêché les sociétés de crédit de compléter des avances antérieurement consenties et laissé le khédive face à face avec les seuls prêteurs indigènes. Nous ne suivrons pas à la trace chacune de ces opérations de conversion de bons à échéance prochaine en bons à échéance reculée, chacune de ces affaires diverses conclues en 1871, 1872 et 1873, dont l’importance varie de 2 millions 1/2 à 50, mais dont quelques-unes aussi dépassent 100 millions. Il nous suffit de présenter ce total d’une dette flottante surpassant celui de la dette consolidée comme universellement admis dans le monde des affaires et justifiant l’opération par laquelle, au commencement de l’année dernière, le gouvernement égyptien, rentré en possession de sa liberté d’emprunt, fit appel aux capitaux pour régulariser une situation devenue intolérable.