Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/632

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Telaraña (toile d’araignée), ne manquera plus à sa parole : il vient d’être frappé d’une balle dans un engagement.

Un des traits distinctifs du parti carliste, c’est ce mélange d’ignorance et d’ineptie, cette haine instinctive de la civilisation, cette horreur du progrès qui le rend plus odieux encore. Un honorable Irlandais, M. O’Donovan, mû par un sentiment de charité chrétienne, peut-être aussi par ses sympathies politiques, s’était rendu auprès des carlistes pour soigner leurs blessés. Sur le soupçon le plus futile, parce qu’il portait avec lui un flacon de laudanum, on l’arrête, on l’accuse d’avoir voulu attenter aux jours de sa majesté Charles VII ; puis, sans autre enquête, on le jette dans la prison d’Estella ; il y resta six mois en proie à toutes les souffrances, à toutes les privations, jusqu’à ce qu’enfin, mourant de fièvre, il fut porté à l’hôpital. C’est là qu’un de ses compatriotes, qui dirige les ambulances carlistes, le trouva, apprit son histoire et le fit mettre en liberté. Deux associations furent formées l’hiver dernier par les dames de Madrid pour soigner les blessés. L’une avait à sa tête la marquise de Miraflores et s’occupait exclusivement des blessés de l’armée libérale : c’est celle qui rallia le plus grand nombre de souscripteurs, surtout dans l’aristocratie ; il semblait plus généreux pourtant de s’intéresser aux blessés des deux camps, comme le voulait l’autre société, présidée par la-duchesse de Medina-Celi. L’événement montra qui connaissait le mieux les gens auxquels on avait affaire. Les ambulances de la duchesse furent saisies par les carlistes à Orduña, le personnel insulté, maltraité même ; du matériel restant, — c’était heureusement la plus grande part, — la société fit cadeau à l’armée libérale. Et qu’on n’aille pas dire que le parti tout entier n’est pas responsable de ces violences, qu’elles sont le fait de quelques soldats exaspérés par la lutte, que les chefs suprêmes les condamnent et les désavouent : ceux-ci au contraire semblent avoir pris à tâche de justifier les plus odieux de leurs cabecillas, N’est-ce pas don Alphonse, le frère du prétendant, qui en compagnie de sa jeune femme assistait au sac de Cuenca ? N’est-ce pas don Carlos lui-même qui à Estella souffrit qu’on décimât de malheureux prisonniers sans défense ? Dans son dernier manifeste, adressé aux puissances chrétiennes et daté du quartier-général de Lequeitio, n’a-t-il pas revendiqué hautement la responsabilité de cet acte de Dorregaray et, par un singulier abus de mots, flétri du nom de condamnés de braves soldats que les hasards de la guerre avaient jetés en son pouvoir ? Si fort qu’il fasse sonner son titre prétendu de souverain légitime, il s’adresse bien moins à la conviction qu’à la crainte.

La même remarque, il est vrai, peut s’appliquer au premier prétendant,