Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblables à celles qui se rencontrent en d’autres régions. Aurions-nous donc autre chose, si, la vie tout à coup s’éteignant sur une portion de l’Afrique, de l’Amérique ou de l’Australie, on ne pouvait plus étudier les plantes et les animaux de ces contrées que sur des restes plus ou moins imparfaits ? Pour les premiers âges du monde, seules des stations restreintes, des formations marines, sont tombées sous l’observation ; les animaux dont elles recèlent les débris, se rattachant à des types très variés, n’étaient ni plus étranges ni moins bien organisés que ceux des mers actuelles. À la grave objection, souvent adressée aux défenseurs de l’idée des transformations indéfinies, qu’on ne voit nulle part de passage insensible entre les formes spécifiques bien caractérisées et surtout entre les types de groupes, l’auteur du livre sur l’Origine des espèces répond que sans doute les intermédiaires ont disparu. On rappelle l’absence de ces intermédiaires jusque dans les flores et les faunes éteintes, il insiste sur la pénurie des connaissances paléontologiques. Si la vérité était de son côté, ne faudrait-il pas s’étonner néanmoins qu’aucun exemple de transition réelle n’ait encore été découvert ? car les fossiles exhumés sont déjà en nombre considérable. On possède les restes fossiles de plusieurs singes ; ces quadrumanes ne se distinguent point des espèces vivantes par une plus proche parenté avec l’homme.

En résumé, si l’on considère la nature, l’esprit libre de toute idée préconçue et dégagé de toute préoccupation étrangère à la science, accordant confiance seulement aux faits mis en lumière par l’observation et l’expérience, les espèces végétales et animales s’annoncent comme ayant eu dès leur apparition sur le globe tous les caractères qui les distinguent dans le temps actuel. Que l’espèce ait commencé par un simple germe, nous l’ignorons ; s’il en est ainsi, tout nous dira que l’évolution n’a pas pu être longue. Que les différentes sortes de plantes et d’animaux soient venues dans le même moment, on ne peut guère le croire. Il y a grande probabilité que les naissances ont été successives ; l’absence de restes de mammifères et surtout de vestiges humains dans les anciennes couches de la terre parait une preuve convaincante. On n’a jamais vu et l’on ne saurait se figurer l’apparition d’un être ne dérivant pas d’un autre être ; ce serait donc folie de prétendre expliquer la création. Si, comme le supposent les adeptes du transformisme, toutes les espèces provenaient de quelques types primitifs ou même d’une seule cellule primordiale, l’apparition ou de ces types ou de cette cellule mère du monde vivant ne serait ni plus explicable, ni moins extraordinaire à nos yeux que l’apparition d’une multitude de créatures. L’investigateur, ainsi que Cuvier le voulait pour lui-même, ne doit jamais avoir « besoin d’autre chose que ce qui est. » Si, au