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Les pins, qui abondaient dans la riche végétation, servaient de pâture à des charançons et à des taupins ; une sorte de vigne était rongée par un rhynchite de même que l’arbuste de nos vignobles. Les restes de petites mouches attestent la présence des champignons dans la forêt où des punaises de bois se montraient sur les plantes basses. Des fourmis et des termites creusaient leurs habitations dans les vieux troncs, les libellules rasaient l’eau, les sauterelles et les criquets se cachaient dans les herbes, les coléoptères carnassiers erraient à l’aventure. Le spectacle est-il bien différent dans telle contrée de l’époque actuelle ? Parmi les insectes dont les restes se trouvent dans les schistes d’OEningen, les uns appartiennent à des types européens, beaucoup d’autres à des formes américaines, quelques-uns à des genres aujourd’hui propres à l’Afrique. De l’ensemble de la flore et de la faune, M. Heer conclut que la région n’avait pas un été tropical, mais un hiver doux, en un mot le climat d’une terre voisine du littoral. Dans les schistes d’OEningen, la présence d’une salamandre de proportions colossales a été dès longtemps reconnue ; les débris de l’animal ont été de la part de Cuvier l’objet d’une étude approfondie. L’attention s’est portée de nouveau sur le curieux batracien fossile, lorsqu’en 1829 Franz de Siebold fit au Japon la découverte d’une salamandre vivante, d’une taille également gigantesque[1] ; on peut en voir aujourd’hui deux individus dans la ménagerie du Muséum d’histoire naturelle. La faune du Japon, disions-nous dans une communication à l’Académie des Sciences, offre de grandes ressemblances avec les faunes européennes ; si l’on se souvient que la salamandre des schistes d’OEningen a été trouvée avec des restes de poissons ne différant pas des espèces qui peuplent nos lacs et nos rivières, on peut supposer que le grand batracien qui vécut autrefois dans les eaux de l’Europe centrale est celui-là même qui vit encore au Japon. Certes la probabilité est grande ; nous avons donc ici une nouvelle preuve que des espèces ont traversé les âges géologiques sans éprouver le moindre changement.

Transportons-nous en Auvergne : les marnes calcaires de Gergovie et du Puy de Corent nous révéleront dans une localité un état de la nature sur un coin de la France pendant la période tertiaire[2]. Au milieu de débris de roseaux et de diverses plantes aquatiques abondent les coquilles de limnées et de paludines, les coquilles d’un tout petit crustacé du genre Cypris, analogue à ceux qui fourmillent dans nos eaux stagnantes, les larves bien caractérisées d’un type de diptères[3] et surtout des fourreaux de phryganes

  1. Sieboldia maxima.
  2. Époque miocène.
  3. Les stratiomys.