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dont la dissémination s’est étendue peuvent avoir été introduites dans diverses localités, d’autres disparues en certains endroits à la suite de défrichemens et de l’extension des cultures ; mais c’est le seul changement qui paraisse s’être produit depuis plusieurs milliers d’années. Abandonnant le monde actuel, nous nous reportons aux âges géologiques ; de l’avis de la plupart des investigateurs modernes, la durée des périodes a été immense. M. Darwin, on ne l’a pas oublié, croit utile pour la défense de sa théorie de ne pas se montrer avare du temps ; il rappelle que d’après les supputations fort légitimes de l’un de ses compatriotes, M. Croll, certains dépôts sédimentaires ne se sont pas formés en moins de six millions d’années. Nous croyons que les périodes géologiques ont été en effet très longues. Qu’on en exagère encore la durée, peu importe, on n’en trouvera moins encore la preuve que les types du règne animal et du règne végétal ont donné naissance à des formes très diverses.

De notre temps, la période glaciaire a été l’objet de patientes recherches et de grandes préoccupations de la part des zoologistes et des géologues ; un froid intense régnait alors dans l’Europe centrale. Le climat a changé, les conditions de la vie se sont modifiées, des êtres ont disparu, des espèces se sont éteintes. L’existence sur notre sol du mammouth, de l’ours et de l’hyène des cavernes, et de tant d’autres mammifères, n’est attestée que par des ossemens exhumés. Cependant plusieurs espèces, dont les débris ont été observés en quantité considérable aux mêmes lieux, vivent encore dans des parties du monde où elles retrouvent un climat qui n’est plus celui des pays qu’elles habitaient autrefois ; c’est le renne, qui ne se voit de nos jours qu’en Laponie, c’est le bœuf musqué, à présent confiné dans les plus froides régions de l’Amérique septentrionale, c’est la marmotte, qui maintenant n’établit sa demeure que sur les hautes montagnes, c’est la chouette blanche ou le harfang, aujourd’hui relégué sur les terres boréales de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique. Des comparaisons minutieuses ont été faites entre les os recueillis en France et ceux des animaux qui à l’heure actuelle foulent le sol des régions glacées, une certitude est acquise : les rennes, les bœufs musqués, les harfangs des contrées du nord, sont bien tout pareils aux individus de la période glaciaire. Ces animaux ont pu changer de patrie, ils ont conservé la même physionomie, la même organisation, les mêmes besoins. Au reste, la plupart des créatures vivantes à l’époque quaternaire, crabes, mollusques, végétaux, se retrouvent dans les faunes et les flores du monde moderne sans offrir le moindre signe de variation ; personne, croyons-nous, n’y contredit, il faut remonter plus loin dans le passé.

Au début des recherches, les explorateurs avaient conçu de l’histoire