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capables de reproduction avant d’avoir atteint l’état adulte sont nombreux dans la nature. M. Darwin s’arrête à ces exemples ; mais en vérité qu’un animal devienne fécond à une période plus ou moins avancée de son développement, rien dans le fait ne paraît pouvoir modifier la condition de l’espèce. Nous avons déjà rappelé que les représentans d’un même groupe zoologique n’atteignent pas une égale perfection organique ; des femelles surtout parmi les insectes restent dans un état d’infériorité remarquable. La punaise des lits s’arrête dans son évolution plutôt que les autres types du même ordre : pendant sa croissance, quatre fois seulement elle change de peau ; elle a de simples rudimens d’ailes. La punaise de bois subit cinq mues ; elle devient un insecte parfait, elle a de grandes ailes. La punaise des lits se propage dans un état comparable à celui de l’axolotl. Parfois on l’a vue avec des ailes : des circonstances exceptionnelles avaient amené un développement inusité ; la punaise s’était transformée en insecte parfait, comme l’axolotl se transforme en amblystome. Dépourvue d’ailes ou munie d’organes de vol, la punaise des lits ne cesse d’avoir toutes les conditions d’une espèce dont les phases de l’existence demeurent entre des limites infranchissables.

À un moment de l’année, on voit sur les végétaux des pucerons des deux sexes ; ils multiplient à la façon des autres insectes, les femelles pondent des œufs. De ces œufs naissent de jeunes sujets ; ce sont tous des femelles, bientôt aptes à la reproduction sans le secours d’aucun mâle ; elles mettent au monde des petits vivans et les générations se succèdent ainsi pendant le cours de la belle saison. Chaque espèce est alternativement ovipare et vivipare, — le fait est aujourd’hui de connaissance presque vulgaire ; — malgré la singularité du phénomène, les diverses sortes de pucerons restent immuables. Les cécidomyies sont de petits diptères, des mouches, si l’on veut, de la famille des tipulides, qui naissent sous forme de larves et la plupart subissent des métamorphoses comme tant d’autres insectes. Parmi ces êtres chétifs, une étrange faculté de propagation a été découverte chez une espèce par un professeur de l’université de Kazan, M. Nicolas Wagner. Au printemps, paraissent les cécidomyies : elles pondent des œufs ; des larves éclosent, et ces larves sans sexe ont la faculté d’engendrer ; dans des loges particulières de leur abdomen se développent d’autres larves qui en naissant déchirent le corps de leur mère. À leur tour, celles-ci multiplient de la même manière, et les générations ne s’arrêtent pas tant que dure la saison chaude. À l’automne, les larves existantes se transforment en nymphes, et dès les beaux jours de l’année suivante se montrent de nouveau les insectes ailés.

Tout le monde connaît un peu les méduses, ces zoophytes gélatineux