Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la laitance d’une autre espèce est démontrée ; jusqu’à présent, les individus hybrides n’ont été l’objet d’aucune étude suivie. Parmi les insectes, on a obtenu le croisement de nos deux bombyx indigènes : le grand paon et le petit paon de nuit[1], celui de quelques espèces de la famille des sphinx[2]. Tout le monde a entendu parler du bombyx du ricin, fort répandu dans l’Inde, et du bombyx de l’allante, originaire de la Chine, introduits en France il y a une vingtaine d’années[3]. Les deux lépidoptères sont très voisins, et, venant à se mêler, ils donnent des produits presque exactement intermédiaires entre les deux formes soit à l’état de chenilles, soit à l’état de papillons. Ces hybrides se sont montrés aussi féconds que les individus de race pure ; mais, peut-être à raison d’une prédominance du bombyx de l’ailante, il est bientôt devenu impossible de retrouver dans les générations successives le moindre indice de l’intervention du bombyx du ricin. En vérité, les observations et les expériences sur les hybrides paraissent témoigner fortement qu’il n’est guère possible ni de modifier une espèce, ni de constituer une forme nouvelle qui soit durable.

Dans l’état de nature, les hybrides sont d’une rareté inouïe ; on n’en a jamais rencontré parmi les mammifères ; seulement on assure que des chiennes errantes ont été parfois fécondées ici par un loup, là par un chacal. Les oiseaux ont offert quelques exemples d’hybrides sauvages dans des localités où une espèce se trouvait en abondance, et les individus d’une espèce voisine très isolés ; ceux que les ornithologistes signalent particulièrement provenaient de la corneille noire et de la corneille mantelée, du merle et de la grive, des bergeronnettes grise et noire, de l’hirondelle de fenêtre et de l’hirondelle de cheminée, de tétras à queue fourchue et du lagopède des saules. Les hybrides de quelques insectes sont fort connus. Certaines coccinelles, petits coléoptères que chacun appelle des bêtes à bon Dieu, se mêlent parfois, et alors naissent des individus offrant la confusion des caractères de deux espèces. Des zygènes, charmans papillons aux ailes de bronze, ornées de taches du plus beau rouge, contractent aussi par hasard des mariages irréguliers ; les produits sont fort recherchés dans les collections. À une époque, des entomologistes découvrent dans les Alpes du Dauphiné des sphinx comme on n’en avait jamais vu ; ils les jugent d’espèces encore inobservées. Les années suivantes, il devient impossible d’en rencontrer un seul individu ; en effet, les apparitions sont tout à fait accidentelles. Ces

  1. Attacus pavonia-major et Attacus pavonia-minor.
  2. Les Smerinthus populi et ocellata, connus sous les noms vulgaires de sphinx du peuplier et de sphinx demi-paon.
  3. Attacus arrindia et Attacus cynthia.