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par une gradation continue offrant à tous les regards de notables modifications ?

Le jour où l’on détruit une forêt périssent en foule des plantes et des animaux ; sur le terrain découvert, l’existence est impossible pour les créatures qui recherchent la fraîcheur et l’ombrage. Lorsqu’on dessèche des marais, une végétation particulière est anéantie ; insectes et mollusques qui ont besoin de la terre mouillée disparaissent. Certaines espèces phytophages se repaissent d’une manière assez indifférente de plusieurs sortes de plantes ; elles ne se modifient en aucune façon, si elles changent de régime. Beaucoup d’autres au contraire se montrent tout à fait exclusives dans le choix de la nourriture ; faute du végétal qu’elles recherchent comme aliment, elles se laissent mourir de faim au milieu d’une abondance de plantes variées. Chacun constate que les végétaux étrangers qu’on cultive dans les parcs et les jardins de l’Europe échappent à la voracité de nos insectes indigènes. En présence de ces faits si concluans, on s’étonne de voir avec quelle légèreté les défenseurs de l’idée de l’évolution perpétuelle déclarent les êtres capables de se plier aux circonstances et de s’adapter à de nouveaux milieux. Que l’on songe aux pucerons, aux kermès, aux cochenilles, qui s’établissent sur une tige ou sur une feuille pour ne jamais la quitter. Mieux encore que pour d’autres insectes, ici la vie de chaque espèce est liée à celle d’une espèce particulière de végétal ou à quelques espèces du même groupe botanique. On pourra transporter le puceron du rosier sur le pêcher, celui du fusain sur le rosier, celui du sureau sur l’un ou l’autre de ces arbustes, le kermès du laurier-rose sur une plante différente, le sort des petites bêtes sera le même : la mort dans l’espace de quelques heures ou de peu de jours. Tout animal est exposé à devenir la proie d’affreux parasites ; aucun mammifère, aucun oiseau n’est épargné ; l’homme n’échappe à une semblable humiliation que par un soin perpétuel. La vermine règne chez les peuples qui n’ont pas souci de la propreté. Chaque espèce, en un mot, a ses parasites qui ne sont pas ceux d’une autre espèce ; la loi est très générale. Jamais on ne vit le parasite de l’homme sur le singe, celui du sanglier sur le cerf, celui de l’aigle ou du faucon sur les colombes ou les canards.

Dans la mare où la végétation prospère, dans l’eau altérée par des débris organiques en décomposition, pullulent les animalcules microscopiques que l’on nomme les infusoires. Selon que l’eau est claire ou croupissante, selon la nature de la matière que contient le liquide, les espèces d’infusoires ne sont pas les mêmes. Disséminés par l’air, les germes tombent au hasard, le milieu réalisant des conditions spéciales est nécessaire pour leur développement. À ce