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dans la fonte et le polissage des miroirs, avait fait brûler et détruire, avant sa mort, son outillage tout entier, pour rester sans rival. Tout était donc à découvrir à nouveau, et il fallut au comte de Rosse vingt ans d’essais pour arriver à la construction du miroir de 6 pieds qui lui a permis de sonder tous les replis du ciel, et de résoudre en amas d’étoiles la plupart des nébuleuses vers lesquelles il dirigeait son gigantesque instrument. Toutes les nébuleuses pourtant ne sont pas résolubles ; il y en a qui décidément ne sont que des agglomérations de matière cosmique non encore condensée. Lord Rosse le premier a démontré que la grande nébuleuse d’Orion, l’une des plus belles du ciel, qui appartient à cette dernière catégorie, a depuis peu d’années changé d’aspect par suite de la concentration de la matière dont elle est formée. Ce célèbre observateur est mort en 1867 ; son fils continue dignement les travaux commencés par le père avec tant d’éclat et de succès.

Lord Rosse avait préféré les miroirs aux objectifs à cause de la difficulté que présente la fabrication des objectifs de grande dimension. On commence pourtant à l’aborder aujourd’hui ; M. Clark, en Amérique, a construit en 1862 une puissante lunette dont l’objectif a 18 pouces 1/2 d’ouverture ; MM. Cooke et fils, célèbres constructeurs d’York, ont achevé en 1868 un équatorial de 25 pouces d’ouverture et de 29 pieds (9 mètres) de longueur focale. La lunette de ce gigantesque appareil est montée sur une colonne de fer de 9 mètres de haut, et le tout pèse plus de 9,000 kilogrammes. Cet équatorial a été construit pour le compte de M, Newall, propriétaire de la célèbre usine de câbles sous-marins de Gateshead (près Newcastle) ; il est destiné à l’île de Madère, où il sera installé en même temps qu’un cercle méridien de très grande dimension. C’est là, sous un ciel d’une transparence exceptionnelle, que ces beaux instrumens serviront à des recherches sérieuses entre les mains d’un astronome expérimenté. M. Marth, ancien assistant de M. Lassell.

La question de la constitution des nébuleuses est entrée dans une phase nouvelle par l’apparition de l’analyse spectrale parmi les méthodes applicables à l’étude des corps célestes. Depuis 1860, MM. Huggins et Miller, à Upper Tulse Hill (près Londres), ont concentré sur ce genre de recherches tous leurs efforts. Ils ont reconnu, par l’étude des spectres, que les nébuleuses non résolubles sont des amas de gaz incandescens : ce sont des soleils en voie de formation, tandis que les nébuleuses résolubles sont des amas de matière solide, des essaims de soleils déjà formés. Il a été constaté aussi, à l’aide du spectroscope, que les comètes ont une lumière propre en dehors de celle qui leur vient du soleil et qui est réfléchie par ces astres errans. Ce sont là des découvertes qui vaudront au petit observatoire de Upper Tulse Hill une mention honorable dans l’histoire de l’astronomie.

De son côté, M. Norman Lockyer, à Hampstead, se livre avec ardeur à l’étude spectroscopique du soleil. Il cherchait depuis longtemps un procédé