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lequel il observa l’anneau de Saturne. Encouragé par ce premier succès, l’organiste de Bath aborde la construction de miroirs de 7 pieds, puis de 10 et de 20 pieds de foyer. Il en fabriqua plus de deux cents avant d’atteindre à la perfection voulue, et le nombre total des miroirs qu’il travailla successivement dépasse quatre cents. En 1781, il eut le bonheur de découvrir la planète Uranus, qui reculait les limites de notre monde. Il avait alors quarante-trois ans. Ce début attira sur lui l’attention de l’Europe ; le roi George III lui accorda une pension et une habitation voisine du château de Windsor, à Slough. C’est alors qu’il commença cette revue méthodique du ciel qui devait lui faire découvrir plus de deux mille nébuleuses et lui suggérer tant de vues nouvelles sur la constitution de l’univers. La plus grande partie de ses travaux ont été exécutés avec des instrumens de dimensions modérées ; on ne fit que rarement usage du grand télescope de 40 pieds, dont le miroir ne tarda pas à se ternir par l’action de l’humidité nocturne ; il a cependant servi à la découverte du sixième satellite de Saturne. William Herschel mourut en 1822 ; l’année avant sa mort, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, il communiqua son dernier mémoire à la Société astronomique de Londres, qui, depuis sa fondation, l’avait choisi pour président. Dans toutes ses recherches, il avait été aidé par sa sœur Caroline, qui était venue le rejoindre à l’âge de vingt-deux ans, et qui l’assistait dans ses observations aussi bien que dans ses calculs ; c’est ainsi qu’il put étonner le monde savant par la rapidité avec laquelle se succédèrent ses publications. Caroline Herschel est morte à Hanovre, sa ville natale, en 1849, âgée de quatre-vingt-dix-huit ans. Sir John Herschel, le fils unique du grand astronome, a dignement continué ces illustres traditions ; il a repris et complété l’exploration du ciel commencée par son père, d’abord à Slough, puis au cap de Bonne-Espérance, où il avait transporté un télescope de 20 pieds. Il est mort en 1871, après avoir contribué par des travaux de premier ordre au progrès de la science. Un de ses fils, Alexandre Herschel, s’occupe également de recherches astronomiques.

Le télescope monstre de lord Rosse, qui fut achevé en 1845, l’année même où le noble lord fut élu pair représentatif d’Irlande, a 55 pieds de long et 6 pieds d’ouverture. Le miroir pèse 3,800 kilogrammes, le tube 6,600, le poids total à mouvoir dépasse donc 10,000 kilogrammes. Le Leviathan, c’est le nom qu’on a donné à ce télescope géant, a coûté 300,000 francs ; il est suspendu entre deux murs de pierre a Birr-Castle, résidence héréditaire des comtes de Rosse, dans King’s County (Irlande). Lorsqu’en 1826 le jeune lord Oxmantown (c’est le titre qu’il portait alors) tourna son attention vers l’astronomie pratique, il n’y avait pas de constructeur capable de lui fournir des instrumens comme il eût voulu en avoir. William Herschel avait gardé le secret de l’alliage qu’il employait pour ses miroirs et des procédés par lesquels il les travaillait. James Short, le plus grand constructeur du XVIIIe siècle, si habile