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les hybrides, produit du croisement entre espèces, les métis, produit du croisement entre races. M. Jordan admet l’existence de ces êtres comme déviations monstrueuses : c’est probablement aux hybrides que se rapporte le passage suivant de ses écrits : « On conçoit que les formes typiques (l’auteur entend par là l’essence, ou ce qu’il nomme dans sa langue empreinte de scolastique le fond substantiel de l’espèce), on conçoit que les formes typiques puissent se combiner les unes aux autres, de telle sorte que les plus simples deviennent les élémens d’autres plus complexes, qui les absorbent dans leur unité par leur énergie propre, manifestée par des lois spéciales de développement. » Ces hybrides, très souvent stériles ou d’une fécondité bornée, s’éteignent ou reviennent au type des ascendans par la loi de l’atavisme ; il en est un pourtant, le blé œgilops de Fabre, qui, fixé à l’état de type durant trente-quatre générations, dérange singulièrement l’hypothèse jordanienne sur l’existence primordiale de toutes les formes qui se maintiennent constantes par le semis. Les métis, souvent très fertiles, se confondent avec les races par leurs aptitudes physiologiques et ne s’en distinguent que par le caractère mixte de leurs traits. Un phénomène qui leur est commun avec les hybrides, c’est la disjonction qui s’opère parfois brusquement entre leurs organes, dont les uns reprennent les traits d’un ancêtre et les autres celui d’un autre ascendant (cas du cytisus Adami, des oranges bizarria, des belles-de-nuit multicolores, etc.). Abstraction faite de ces variations superficielles, de ces mélanges de types et des monstruosités proprement dites, il nous reste encore à soumettre à la théorie de M. Jordan les variétés sauvages, les variétés cultivées et les races, qui presque toujours appartiennent également à la culture.

La plupart des variétés spontanées n’ont été distinguées que par leurs caractères extérieurs, par le procédé d’intuition, et cela sans règle bien fixe, la diversité portant sur des organes très différens suivant les plantes, quelquefois sur un seul caractère, d’autres fois sur un ensemble de caractères diversement combinés. Tantôt c’est un simple changement dans le coloris des fleurs (variétés albiflores d’une foule de plantes à fleurs normalement bleues, rouges, violettes ou jaunes) ; lorsque ce phénomène se présente isolé, c’est à peine s’il mérite d’être noté autrement que comme variation accidentelle. D’autres fois c’est le feuillage, qui se montre atteint d’albinisme (panachure blanche ou jaune) ou d’une sorte de mélanisme (teinte noir-pourpre du feuillage qui se produit parfois spontanément chez le hêtre de nos bois) : ces déviations, plus fréquentes dans la culture, véritables altérations morbides de la chlorophylle, respectent les vrais caractères spécifiques et constituent à peine des