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limitée au chiffre de 3,000. » À cette ouverture si conciliante, il ne paraît pas pourtant qu’aucune suite ait été donnée. Exagérant même la rigueur du traité, qui comportait un délai avant la mise en vigueur, le plénipotentiaire sommait le sultan d’avoir à se déclarer « par oui ou par non. » Le recueil de la correspondance ne mentionne pas cette communication, qui ne nous est connue que par la réponse du sultan en date du 11 février 1873.

Les négociations étaient rompues, et l’on ne songeait plus qu’à contraindre le sultan par des mesures qui devaient avoir leur effet six mois après. Sir Bartle organisa à Mascate le plan de campagne. Le sultan de Mascate cédait au gouvernement anglais la créance litigieuse des arrérages accumulés de la dette annuelle des 40,000 piastres ; opposition fut mise entre les mains du fermier de la douane, sujet anglais, sur les revenus du sultan ; en attendant, l’escadre veillait à ce qu’aucun esclave n’entrât à Zanzibar, qu’elle bloquait. Les articles du traité étaient exécutés, et avec aggravation, avant qu’il ne fût signé. Enfin le plénipotentiaire menaçait d’ordonner un blocus effectif, qui interdirait l’accès de l’île à tout navire et exposerait le sultan aux réclamations et aux représailles des puissances européennes dont les nationaux auraient à souffrir. Le sultan, en face d’un pouvoir sans limites et sans contrôle, privé de tout appui, signait le 5 juin 1873 le traité présenté par sir Bartle Frere, mais dont on avait retranché la clause favorable du délai d’exécution.

Le traité signé, il fallait en garantir les stipulations. Naturellement il ne fut pas question de laisser ce soin au sultan. Saïd-Bargach était aussi impuissant à empêcher l’importation des esclaves à Zanzibar en 1873 que son père l’avait été d’en empêcher l’exportation en 1842. Le gouvernement anglais continuera de veiller avec ses flottes à l’observation de la parole donnée. Cela doit être, et tout ce qu’on peut dire, c’est que, dans le cas où la répression ne réussirait pas, il ne faudrait pas accuser le sultan. Si pourtant les griefs invoqués de la complicité du sultan dans les opérations de la traite se reproduisaient sous une nouvelle forme et motivaient une ingérence de plus en plus profonde dans les affaires du pays, ne devrait-on pas faire justice d’argumens soutenus avec plein succès jusqu’ici ? Quelques années, quelques mois, nous séparent du moment où les hommes d’état anglais constateront le peu d’efficacité des remèdes qu’ils ont tenté d’appliquer. Cependant il est difficile de s’arrêter dans la voie suivie ; à la protection des îles contre l’introduction des esclaves, protection peu aisée à quelques lieues du continent, il faudra ajouter la surveillance de la côte, non point par des bâtimens qu’un coup de vent force à gagner le large, mais par des établissemens fixes aux points connus d’embarquement. On s’occupe de les déterminer. M. Elton, vice-consul d’Angleterre, s’est