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mesures qu’il propose, il révèle enfin toute sa pensée dans ces paroles, qui renferment évidemment la solution du problème : « vous pouvez arrêter la traite par la force ; mais vous n’obtiendrez qu’un temps d’arrêt momentané, tant que le commerce n’aura pas pris à la côte orientale d’Afrique l’extension qu’il a reçue à la côte occidentale.»


IV.

Comment s’expliquer que des vues si sages n’aient pas été fidèlement suivies ? Les résolutions du comité d’enquête, conçues dans un esprit modéré et s’inspirant des besoins du pays qu’on se proposait d’amener à l’abolition de l’esclavage, ne semblent pas avoir déterminé la ligne de conduite du plénipotentiaire de sa majesté britannique. Sir Bartle, le promoteur de l’enquête, le négociateur choisi pour traiter à Zanzibar, était porteur de lettres adressées au sultan par la reine, par lord Granville et par le gouverneur-général des Indes. Aux conseils que donnaient la souveraine et le vice-roi s’ajoutaient les injonctions du ministre des affaires étrangères, déclarant qu’en cas de refus de la part du sultan on n’hésiterait pas à passer outre. Dans le traité proposé, il n’était plus question de la tolérance d’entrée d’un certain nombre d’esclaves à Zanzibar pendant un délai à fixer, précédant la mise en vigueur ; le premier article mentionnait sans condition que le transport des esclaves serait interdit aussi bien des états de Zanzibar aux pays étrangers que de la côte d’Afrique dépendant de Zanzibar à Zanzibar même. Suivaient des clauses édictant la fermeture des marchés publics à esclaves dans les états de Zanzibar, prescrivant au sultan la sauvegarde des affranchis et engageant d’autre part le gouvernement de la reine à veiller à ce que les sujets indiens ne fussent pas possesseurs d’esclaves. En réalité, il n’y avait contestation que sur le premier article. Le sultan, dont le territoire avait été récemment dévasté par un cyclone, se refusait à interdire immédiatement l’introduction d’esclaves, au moment où le remplacement annuel devait être considérable, attendu que les habitans étaient obligés d’employer aux cultures à entreprendre plus de bras que n’en exigeaient des plantations d’arbres en plein rapport, — cocotiers et girofliers qui naguère donnaient à l’île un aspect si riant. C’était si bien la pensée du souverain indigène qu’après avoir discuté le traité que lui soumettait sir Bartle dès son arrivée, le 12 janvier 1873, il autorisait le consul anglais à écrire le 8 février au plénipotentiaire absent : « Je crois que le sultan serait heureux de signer le traité, s’il lui était permis de ne l’exécuter complètement que dans un certain nombre d’années pendant lesquelles l’entrée annuelle des esclaves serait